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Jean Nicard « Tom » A.S Dordogne Nord

Rédigé par Alain dans la rubrique Brigade Rac, Portrait

Jean Nicard est un Limousin transplanté en Périgord. Il fait la guerre de 1939‑1940 avec le 2e Bataillon de chars appartenant à la 4e Division cuirassée du colonel de Gaulle. Blessé à Abbeville en mai 1940, c’est le Grand Charles lui‑même qui lui remet la croix de guerre à la suite de ses deux citations.

Démobilisé, il regagne Limoges et reprend sa place d’inspecteur à la Police judiciaire. En 1941, il entre aux divers réseaux « France Combattante », « Coty » et « Gallia‑Reims », puis prend contact avec Charles Serre. 

Il fait un travail considérable tout en restant à son poste à la police. Cependant, en novembre 1943, recherché par les Allemands, il est révoqué par Vichy. Il vient de se marier à Thiviers. Alors, il peut donner tout son temps à la Résistance. II devient l’adjoint de Christian (Rac).

Voilà, certes, l’être le plus extraordinaire que je connaisse. Ainsi s’exprime Rac lorsqu’il parle de « son frère », Jean Nicard dit « Tom », son adjoint. Parce qu’ils sont frères, plus que d’armes ; ils ont partagé les dangers, les réussites, les joies et aussi les grandes peines.

Ils aiment les évoquer souvent mais n’en parlent que juste ce qu’il faut. Tu te souviens, Ruddy. Il n’a d’ailleurs jamais appelé son ami par un autre nom. Les Collet, Christian et autres Rac il s’en moquait éperdument. Pour lui c’était « Ruddy ».

Extraordinaire, il l’a toujours été. Combien lui doit‑on de coups au but ? Un livre ne suffirait pas, même en les relatant succinctement. Opiniâtre pour ne pas dire têtu, brave pour ne pas dire téméraire, lucide pour ne pas dire éclairé (ce qui ne lui plairait peut-être pas), mais quand il a quelque chose dans la tête, impossible de l’en faire démordre. Il a vécu chaque événement de la clandestinité et de la Libération; mais il savait négliger ce qui ne lui paraissait pas payant pour se consacrer uniquement mais à plein aux problèmes essentiels. 

Quand le jeu n’en valait pas la chandelle, son flair le lui rappelait. Les missions les plus délicates lui ont été confiées ; elles ont toutes été menées à bien. Rac lui laissait carte blanche dans la façon d’opérer, et mettait à sa disposition les moyens nécessaires.La confiance que le « patron » a placée en lui n’a jamais été démentie. Il en est de même trente‑cinq ans après.

Il a participé à toutes les opérations mises sur pied pendant la difficile période de 1942 à 1944 : parachutages, choix des terrains, stockage et répartition de l’armement, récupération du matériel et des véhicules de l’armée de 1940, sabotage des voies ferrées, des ateliers travaillant pour le compte de l’occupant, renseignements au bénéfice de la Résistance et des alliés tant en Zone Libre qu’en zone occupée, dépistage et lutte contre les agents de la Gestapo, préparation des sous‑secteurs en vue du débarquement, protection des réfractaires au S.T.O., contacts avec les autorités des maquis, des autorités civiles et militaires, avec les responsables régionaux des réseaux et des maquis de la R. 5.

En 1943, il est adjoint de Rac et travaille en même temps sans arrêt aux côtés de Charlieu, responsable régional des maquis A. S.

En 1944, il devient adjoint du D. M. R. de la R5 : Chasseigne. II représente le secteur Dordogne‑Nord à toutes les réunions importantes sur le plan régional. Son obstination lui a toujours valu des résultats remarquables. Tom a été le guide de la « Mission Alexander » et lui a permis d’accomplir sa tâche. Mais son plus beau fleuron est incontestablement le groupe d’artillerie. Il a récupéré les pièces et fait opérer leur transformation à la Fonderie nationale de Ruelle où, d’ailleurs, il s’occupa très activement de la modernisation d’une quantité d’armes automatiques prises à l’ennemi, cela avec l’aide éclairée de son ami Touzet.

Il était le témoin et parfois l’instigateur d’événements importants qui se sont déroulés à l’Hôtel Terminus à Thiviers, dont les propriétaires étaient la famille Moulinier, ses beaux‑parents. Mme Moulinier grand‑mère, Mme Moulinier mère, M. Moulinier (Fricasse), Trompette (Yvette) en virent certes de toutes les couleurs et manquèrent de peu « le grand voyage » ; mais qu’importe, comme il savait si bien le dire : Un coup à gauche, un coup à droite, un coup devant, un derrière et le cinquième c’est le bon.

Tom à Metz chez Rac, au mois de mai 1977
La définition que Richard, le lieutenant canadien, donnait de lui convenait certes parfaitement : Avec Tom toujours rouler, jamais dormir. Il avait toujours quelque chose à faire : on va ici, on va là, il faut voir untel et encore untel. Ni le temps, ni la distance n’existait pour l’impétueux Tom. Il vivait dans d’autres dimensions, il avait son espace à lui et on finissait par en accepter un bout, sinon tourner avec, dans cette espèce de voltige. Heureusement, de temps à autre le manège s’arrêtait pour laisser souffler le cheval. Nous, qui le revoyons trente‑cinq ans après, sommes frappés par cette constance dans l’effort et dans la fidélité.

Maintenant que s’élève à Thiviers le mémorial de l’A. S. 5 Dordogne‑Nord, Brigade Rac et 50e R.I., on peut ajouter à cette espèce de légende : « Tom a réussi ce qu’il voulait ».


Extrait de l'ouvrage « La brigade Rac » par Capitaine Fred