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Le carnet d'un maquisard du 3 juin au 16 juillet 1944

Rédigé par Alain dans la rubrique Maquis Parachutage Réseau
Un maquisard alsacien, Paul Walter né le 6 novembre 1915 à Seind, dans le Bas-Rhin, domicilié depuis 1940 à Mancilly-la-Celle-sous-Gouzon, dans la Creuse a tenu jour après jour, pendant les combats de son groupe, un carnet de route où il notait en quelques mots les faits saillants de ses journées.
Le carnet s'arrête le 16 juillet 1944, le jour où Paul Walter vraisemblablement fut tué.

Avant de tomber sous les coups de l'ennemi, Paul Walter glissa son carnet dans une enveloppe adressé au maire de la Celle-sous-Gouzon. Cette enveloppe fut retrouvée. Voici ce qu'elle contenait :
Mois de juin
  • 3 : Sortie pour aller au ravitaillement :2 heures - midi : embuscade avec Milice 
  • 4 : Attaque toute la journée par Milice : 4 morts, Milice : 19 
  • 5 : Repos au camp 
  • 6 : Deux heures du matin fait sauter train munitions, bien réussi. Huit heures soir : sortie avec voiture commandant, rentré 11 h 30
  • 7 : Escarmouches avec Boches : 3 prisonniers. Parti 1 h 30 avec un espion
  • 9 : Parti avec voiture : rentré le 11 juin à 2 heures du matin
  • 13 : Attaque une gare. Fait sauter une locomotive. Parti soir pour ravitaillement
  • 14 : Renfort par parachute. Midi : fusillé 2 espionnes
  • 15 : Repos
  • 16 : Nous attaquons les Boches : 18 morts, nous 9 et 2 blessés 
  • 17 : Attaque camions ravitailleurs : mis feu à l'un et détruit un autre. Soir : attaque un train de troupe avec grenades
  • 18 : Parti pour aller chercher cigarettes. Tout bien réussi 
  • 19 : Attaqués par G.M.R., 9 prisonniers 
  • 20 : Sommes mitraillés par 5 avions boches toute la journée 
  • 21 : Les Boches rassemblent de la troupe en bas des monts. Préparons une attaque avec grenades 
  • 22 : La Milice nous lance l'appel de nous rendre. On refuse. Je pars ; suis attaqué en route ; camion saute avec munitions. Nous partons vers 1 h 30 du matin pour mission inconnue. Retour a 8 heures. Repos jusqu'à 10 h 30 du soir. Partons à 11 heures avec 18 hommes pour faire sauter dépôt de munitions. Retour à 3 heures. Pas réussi, 4 morts
  • 23 : Sommes attaquéà 8 heures par Boches et Milice toute la journée. Attaques sur attaques, nous reculons dans la montagne.
  • 24 : La bagarre continue ; ils nous encerclent ; 3000 contre 485. Nous reculons plus haut. Sommes bombardés par avions. 11 heures du soir : Garde Mobile
  • 25 : Ça se calme un peu. Les boches amènent des canons. Trois heures-midi : ils commencent à canonner nos positions. Cinq heures du soir : renforts par avions, 200 Anglais et Français avec armes et tout. 8 heures du soir : nous attaquons avec mortiers. Les Boches reculent un peu. Toute la journée, feu violent
  • 26 : Nous formons deux groupes. Je pars avec 38 hommes en reconnaissance. Retour à 3 heures. Midi : fait 9 prisonniers. Tous Mongols. Ils tirent toujours avec canon 
  • 27 : Ça va toujours plus mal. Nous nous fortifions. Le commandant est tué. Je passe sergent du groupe.
  • 28 : Je prend le secteur 39 avec 47 hommes. je pars à 8 h 30 du matin. Suis attaqué deux côtés. Perdu 9 hommes, 4 blessés. Je reste à la même place. Toujours canon. Les Boches avancent.  
  • 29 : Jusqu'à 1er juillet, toujours bataille canon. Nous tenons toujours.
 Mois de juillet  

  • 2 : Nous sommes obligés de reculer. Manque munitions et vivres. Je reste avec hommes sur place. Milice nous attaque. Repoussée avec de grosses pertes : 15 prisonniers, 3 Alsaciens. 
  • 3 : Je pars avec tous vers secteur N avec mes hommes. Sommes toujours attaqués, tout déchiré. Arrivé 11 heures soir secteur
  • 4 : Boches se rassemblent. Bientôt grave pour nous. Manque matériel. Toujours attaqués 
  • 5 :Attaqués par grenades et mortiers. Nous répondons avec mitraillettes. Très grave. Reculons 
  • 6 : Nous sommes au plus haut sommet et nous ne pouvons plus ni avancer, ni reculer. Tenons toujours. Je me rase à 4 heures du soir. 17 jours pas rasé ni lavé, comme un sauvage. 
  • 7 : Nous fortifions. Plus de vivres. Coupés de tout le monde. Sommes 27 hommes et 2 femmes et attaqués toute la journée. Six heures du soir : La Milice lance un appel de nous rendre. Refusons. Onze heures du soir : attaqués par Milice repoussée
  • 8 : Deux heures du matin. - Attaqué par Milice. Repoussée. 2 morts Milice beaucoup. Toute la journée bataille. Dormi 1 heure 
  • 9 : Notre situation est grave. Attendons renforts. Ne vient pas. Milice avance toujours. Nous reste 950 balles, 4 miches de pain et 18 tablettes de chocolat et 9 paquets de cigarettes. 
  • 10 : Milice avance toujours. Sommes cernés de tous côtés. Nous battons toujours. Tous nerveux. Tenons toute la journée. Repoussons une grande attaque à 5 heures du soir. Beaucoup morts Milice, nous 3. 
  • 11 : Plus d'espoir nous sauver. Nous tenons toujours. Chaque balle son but. Huit heures du soir : bombardés par avions toute la nuit. Nous tirons, ne dormons plus. 
  • 12 : Matin : Boches amènent renforts. Tenons toujours. Très grave. Reste 215 balles et 44 grenades. Plus de pain, 152 biscuits et 4 tablettes de chocolat et 2 paquets de cigarettes. 
  • 13 : Boches rentrent à N..., ville occupée. Toujours bagarre. Reculons 
  • 14 :Boches nous cernent. Reculons dans la montagne. Toujours bataille. Attaques sur attaques. Nous tenons. Manque de vivres, munitions, grave. Toute la journée : avions. Huit heures du soir : sommes cernés. 
  • 15 : Cernés. Plus moyen de reculer, ni avancer. Boches avancent. Nous tenons toujours. Neuf heures du soir : Plus de vivres ; que 52 cartouches pour 19. 
  • 16 : Plus rien à faire. Plus que 3 balles dans revolver. Nous attendons pour les user. (Que faire?) Se rendre ou mourir ?. Trois heures après-midi : Boches très près. Plus de balles ; que le poignard.
J'écris ces mots en vitesse à ma petite femme à qui je pense. Reste calme et fière de ton Paul. Nous avons fait notre devoir. Embrasse bien mon petit et tout le monde.Veuillez garder un souvenir immortel.
                    
 Baisers à tous Paul


    Copie certifiée conforme à l'original
    Guéret, le 19 décembre 1944
    Le Chef de Bataillon Bancillon
    Commandant la Subdivision Militaire de Guéret.