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La tragédie du 25 juillet 1944 à Mainzac en Charente

Rédigé par Alain dans la rubrique Lieu de mémoire, Document et livre, Brigade Rac
 
Extrait de l'ouvrage Histoire simple et vraie de la 2ème Compagnie Brigade Rac (Javerlhac - Marthon) : Témoignages recueillis par Marcel Belly, ancien réfractaire, chef de groupe F.M. - 2ème Cie - brigade Rac.

La tragédie de Mainzac 

Ce mardi après-midi 25 juillet alors qu'une partie de la 2ème Cie est en mission de surveillance sur les hauteurs de Buisson, une autre tragédie va se dérouler à une lieue de là, à Mainzac, en lisière de nos deux départements (Charente et Dordogne).

Le convoi signalé vers Mareuil, composé d'allemands, de géorgiens et miliciens, fait son approche. En tête, en éléments de reconnaissance, quelques motos et side-cars ouvrent la marche à une vingtaine de camions dont quelques uns tractent une arme lourde. Passé Beaussac, le détachement prend la direction de Javerlhac. Sur la route, à hauteur de Connezac, les frères Victor et "Piarrou" Manem débardent du bois. Le temps de dételer les juments, les deux frères sont rattrapés et sans ménagement confrontés à un gros chêne au bord de la route, mains sur la nuque. Après interrogatoire ils sont relâchés mais les mitrailleuses ont pris à partie les fenêtres du château où se profilaient des silhouettes. Grosse peur pour les uns, dégâts matériels pour les autres(1).

La colonne repart vers la Croix de la Victoire. Et là, brusque changement de cap. Alors que Javerlhac est en alerte, la soldatesque oblique franchement à gauche vers Hautefaye. Notre compatriote Marcel Peytour qui avait 18 ans à l'époque se souvient. Alors qu'il moissonnait près du cimetière, son père lui avait vivement conseillé de prendre la clef des champs.

A Hautefaye, les véhicules s'arrêtent le temps d'interroger les rares habitants que se risquent dehors. Ce n'était pas le cas pour ce jeune soupirant -réfractaire de surcroît venu voir sa fiancée et tout heureux de trouver refuge dans une citerne avec de l'eau jusqu'au cou...! 
A la fin juillet mieux vaut çà qu'un "ausweiss" pour Berlin!. Il est environ 16h. La troupe regagne la Charente par Mainzac et 4 heures durant, ce paisible village va s'apparenter à Oradour. Allemands et miliciens qui préfèrent éviter Javerlhac sur le qui-vive n'ont aucune mission spéciale concernant Mainzac, à moins que la présence du groupe F.T.P. ne leur soit connu sur dénonciation. Peu probable. Mais à quelque temps de là, ils auraient pu -non sans raison- perquisitionner autour de l'atelier du père Mousseau, le forgeron du village. Maurice Lapeyronnie, qui à l'époque était en apprentissage, se souvient qu'il avait invité Manu (A.S. Dordogne-Nord) a prendre livraison de quelques caisses de munitions abandonnées en 40 par l'armée française. Opération réalisée une nuit de juillet avec discrétion et le concours de l'inséparable P. Fauconnet et là Simca 5. Le précieux butin n'aurait peut-être pas échappé aux perquisitions ou à l'incendie de là forge.

Mainzac

Les motards ouvrent la marche. A l'entrée de l'agglomération ils sont accueillis par des rafales de F.M. En gens avertis des choses de la guerre, ils ont vite fait de localiser l'origine des tirs à 200 m à droite sur la route de Souffrignac, au lieu-dit "la butte des Besses". On voit encore la mare asséchée où étaient embusqués les francs-tireurs. Aussitôt, les camions se vident de leurs occupants. Le hameau de "Chevalerias" est d'abord pris pour cible par une mitrailleuse et un canon anti-char. Là, Chatain le mécanicien avait assemblé de vieilles voitures dans une grange qui commence à flamber. Également en flammes la maison de Juliette Bourrinet qui sera elle-même blessée ainsi que sa fille Maria. Elles seront chargées dans les camions et emmenées à Angoulême. La fille décédera deux mois après des suites de ses blessures.
 
Les sept F.T.P. appartenant à une formation venue de Nontron se rendent compte alors qu'ils viennent de faire une gaffe et qu'il est prudent de disparaître... Ils diront plus tard avoir sous-estimé l'importance du convoi qu'ils n'évoluaient qu'à quelques motards en patrouille. 

Toujours est-il qu'à "Chevalerias" trois maisons sont en feu tandis que les allemands s'approchent de "La Ferrière" et allument des incendies à la périphérie du village, dans l'intention de tout détruire. Angel Forestier, un grabataire de 40 ans va connaître une fin affreuse dans l'embrasement de sa demeure. Les deux maisons de la famille Mousseau et celle de la famille Duclaud brûlent à leur tour. Et alors que commence la séance de pillage systématique, la population est rassemblée genoux à terre, face au mur du cimetière, route de Charras. La sentence tombe : "Si un allemand est tué, vous tous fusillés!". Mais là ne s'arrête pas le déchaînement de la barbarie...

Quelques soldats montés au clocher tiraillent tous azimuts. La moitié du convoi a dépassé le village en intendant au passage l'école et la mairie pour stopper un peu plus loin dans le vallon, sur la route de Marthon. A gauche, sur un coteau, le village de Raymondias où les ruines d'un ancien château dominent quelques masures. Les soudards d'Hitler font un carnage du bétail et éventrent les barriques à coups de fusil. Un homme de Breuil (village voisin) Guicheron, âgé de 50 ans et oncle des Mousseau, allant récupérer sa femme à Mainzac, s'est couché dans un champ pour se protéger... Il ne se relèvera plus. 



A droite de la route, au pied du versant qui monte vers La Ferrière, Lucette Braud, (10 ans) est venue de Rochefort passer quelques jours de vacances chez ses grands-parents Mousseau. Ce matin-là elle garde les vaches. Sur le chemin du retour, ayant appris à Charras que les allemands sont dans les parages, ses parents saisis de crainte repoussent chemin. Aussitôt son père part à son avance et la retrouve dans le vallon alors qu'elle rassemble les bêtes pour rentrer. Mais les allemands sont là qui fouillent chaque mouvement de terrain, chaque buisson et tirent sur le bétail. Il n'est plus question de fuir. Alors le père et l'enfant trouvent refuge derrière un muret de pierres sèches. Blottis l'un contre l'autre ils se font tout petits. Pas assez sans doute puisqu'une l'artère fémorale de la fillette. Il fallut attendre le départ des bourreaux pour secourir les deux blessés. Malgré les soins du Dr. Andorre, la fillette, exsangue, décédait. Dans ce climat de terreur permanente, Mainzac écrasé par l'épreuve, ne put même pas assurer à la pauvre petite des obsèques rituelles... Seulement une discrète bénédiction au cimetière par le prêtre venu de Marthon. Mais qui douterait qu'au bout de l'enfer de ce 25 juillet Lucette n'ait amplement mérité son ciel ?. Leur vengeance assouvie, dans le rougeoiement des brasiers, "les seigneurs de la guerre" pouvaient triomphalement poursuivre vers Marthon et inscrire les quatre innocentes victimes de Mainzac sur la liste déjà trop longue de leurs atrocités.
 
A lire également : 
  • La bataille de Javerlhac du 24 juillet 1944 (Lien)
  • Les cahiers de la Chapelle-Saint-Robert (Lien)
(1) Cet évènement incitera Jacques de Lamberterie, sympathique fils de famille à rejoindre sans plus tarder la compagnie d'instruction à St-Estèphe. Il sera par la suite affecté à la CA1 avant d'être admis à Coëtquidan. Démobilisé, il rejoindra Connezac dont il sera longtemps le maire.