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René Chabasse (1921 - 1944) résistant jusqu'au bout

Rédigé par Alan Latter dans la rubrique Maquis Parachutage RéseauPortrait

René Chabasse est né le 9 avril 1921. Ses parents habitaient à Bouëx, petite commune charentaise située à l'est d'Angoulême près de la ligne de démarcation en zone occupée. Son père, un retraité de la gendarmerie entretenait une exploitation agricole en zone libre à Vouzan, à 3 kms. 

René Chabasse

L’année 1940 fut marquée par une rencontre. En août il croisa à Bordeaux la route d'un ami de lycée, Jean Lapeyre-Mensignac originaire de Nontron en Dordogne. Avec l'aide de René, Lapeyre-Mensignac  passa plusieurs fois la ligne de démarcation pour rendre visite à ses parents.  À la  fin  de 1940, Lapeyre-Mensignac rencontra à Paris Guy Chaumet dit "Géo" un ami d'avant-guerre. Ce dernier aidé par René et Théo Burlot s'occupait d'un groupe de Résistance en liaison avec Londres.
Au début du mois de mars 1941, ils commencèrent à organiser un trafic régulier entre les deux zones pour passer des hommes et du courrier. Les deux amis avaient mis sur pied un réseau permettant de franchir la ligne de démarcation, avec la participation des parents de Chabasse et son frère Pierre. Suspecté, ces derniers sont arrêtés fin décembre 1941.

Suite à leurs passages répétés de la ligne de démarcation, ils sont repérés par deux officiers français appartenant aux Services des Renseignements du 2ème bureau, qui vont proposer à Chabasse de faire du renseignement.  Il s’exécuta à l'automne 1941 en partant en Bretagne et en Normandie. 

En 1942, la situation devient critique :
     René Chabasse et
Jean Lapeyre-Mensignac (1942)
  • Andrée Duruisseau âgée de 15 ans voisine de Chabasse, était chargée de faire  passer entre zone occupée et zone libre du courrier caché dans le guidon de son vélo ou dans ses vêtements. Arrêté deux fois en 1942, puis par la Gestapo le 15 mars 1944 et emprisonnée à Angoulême puis au fort de Romainville, elle sera déportée à Ravensbrück où elle retrouvera sa famille impliquée dans la Résistance, le 1er juin 1945. 
  • Chaumet et Burlot sont arrêtés par la Gestapo. Début novembre, Burlot est déporté en Allemagne et Chaumet avec l'aide de Lapeyre-Mensignac s’échappe pour rejoindre le réseau "Sol", puis par l’intermédiaire de l’opération Vautour, Londres. Eugène Bornier, le chef du réseau Sol chargea Lapeyre-Mensignac d'organiser le Bureau des Opérations Aériennes (B.O.A.) pour la région B (Aquitaine).
  • Les chefs de Chabasse sont arrêtés, puis traqué par la Gestapo il décida de retourner dans le Sud-Ouest. 
Andrée Duruisseau
C’est au début de 1943, qu’il rejoindra le B.O.A où il est nommé chef des opérations aériennes en Charente et Charente Maritime. Sa première mission consistera à organiser l’atterrissage de Lyasander le 23 avril 1943 sur le terrain nommé "Serin" situé entre La Chapelle et Ambérac en Charente. 

Voici un extrait publié avec l'amiable autorisation de l'éditeur du livre La Résistance dans le Sud-Ouest - Nos combats dans l'ombre par Jean Lapeyre-Mensignac avec Pierre Barrère, Charles Franc, Guy Margariti et Jacques Nancy, édité en 2006 par Les Dossiers d'Aquitaine.

« Une opération double Lysander va être parfaitement réussie sur notre terrain "Serin", en Charente, le 23 avril 1943. Lapeyre-Mensignac est chargé de diriger l'opération avec son équipe : René Chabasse, Pierre Barrère, Charles Franc, Guy Margariti, Philippe Boireau. Tout était en place et l'idée d'un échec ne nous venait pas à l'esprit. Nous avions pour nous le bel optimisme de nos vingt ans. Les passagers étaient rassemblés avec nous, chez Charles Franc, à Malaville. Nous venons d'entendre, à la B.B.C., le message codé prévu pour nous signifier le déclenchement de l'opération. "Le vase est brisé." Nous nous tenons en alerte. Nous nous rendons sur le terrain qui avait été baptisé "Serin" par la Royal Air Force. Notre équipe se déploie selon le plan prévu, dont nous avions fait une répétition discrète quelques jours auparavant. Il restait à vérifier le vent et à placer les lampes en conséquence. Vers minuit, nous entendons le bruit des avions volant bas. Le premier répond immédiatement aux signaux lumineux qui avaient été convenus avec le B.C.R.A. Une lettre en morse au sol avec une lampe électrique, une lettre réponse par un clignotant au bout de l'aile de l'avion. Le premier appareil se rapproche du sol, il se redresse avec un vrombissement énorme, puis il se pose en quelques dizaines de mètres, prouesse d'acrobatie. Nous étions complètement assourdis par le bruit intense du moteur et voyons descendre de cette carlingue, un grand gaillard avec veste et souliers de cuir. Le bruit de l'avion s'était arrêté brusquement et le calme semblait soudain étrange. "Hello !" nous dit ce pilote. Puis il se tourne du côté de la roue de l'avion et le plus naturellement du monde, se met à satisfaire un besoin des plus naturels. Cette image nous a frappés : le flegme britannique dans le calme de notre clair de l'une ! Le calme n'a pas duré longtemps. L'anglais nous a donné des tablettes de chocolat, nous lui avons remis une bouteille de cognac. Ces petits cadeaux faisaient partie de la tradition. Nous avons embarqué rapidement les passagers et chargé un sac de courrier. Alors, dans un vacarme intense, le pilote a décollé son engin en quelques dizaines de mètres, piquant aussitôt vers le ciel. Le deuxième avion se posait sans tarder et tout se passait comme le premier. »

D'avril 1943 à février 1944, l'équipe Lapeyre-Mensignac Chabasse a organisée de nombreux parachutages d'armes et atterrissages clandestins en Charente et Charente Maritime. Dans la nuit du 14 au 15 novembre 1943, Lapeyre-Mensignac "François" et ses coéquipiers René Chabasse, Pierre Barrère, Charles Franc "Clovis / le Pointu", Marcel Labrande et Guy Chaumet qui se trouve dans la région au début de novembre, ont organisés un double atterrissage de Lysander à partir d'un nouveau terrain nommé "Albatros", près d'Agneac en Charente. Les deux avions  ont atterris sans problèmes et quatre passagers ont débarqués. Diacre et  Maréchal, puis dans le second appareil Jacques Nancy "Sape" et Claude Bonnier "Hypoténuse", délégué militaire régional (D.M.R.) pour la région B.  Leurs missions étaient :
  • Créer sur place les équipes de sabotages,
  • armer ces équipes ,
  • organiser la réception de parachutage d'armes et de munitions ,
  • mettre en place les plans inter alliés pour le jour .

Avec les passagers furent débarqués mitraillettes et révolvers, et comme toujours du chocolat, des cigarettes, du tabac, du thé etc. Avec l'arrivée du D.M.R. l'activité aérienne s'intensifie. Six opérations sont prévues pour la lune de février. Trois auront lieu dans le secteur de Malaville et trois autres dans le secteur des Forêts. 

Extrait du livre Résistance dans le Sud-Ouest par Jean Lapeyre-Mensignac

«  Au cours de la nuit du 4 février 1944, des parachutages sont prévus à Matignon (Charente). Le message est explicite : "Sautez en souplesse !" Toute l’opération s'est déroulée normalement. Un seul incident comique. Au moment où l'équipe se disperse, Pierre Chabasse "le Gd Pierrot" (le frère de René) revient tranquillement vers la maison. D'un autre côté, son père en fait de même. Chacun croit que l'autre ramène le mulet et la charrette. Ce mulet et l'attelage servent à transporter le matériel jusqu'à un camion qui attendait sur la route la plus proche. La pauvre bête est donc abandonnée sur ce terrain dangereux. Dans la nuit, Pierre et son père entendent, à un moment, le bruit bien connu de leur véhicule, mais chacun d'eux, croyant au retour de l'autre, ne se dérange aucunement. Le lendemain, le mulet qui avait erré toute la nuit, traînant derrière lui sa voiture, fut retrouvé au milieu d'un champ qu'il avait consciencieusement fourragé ! Heureusement, personne ne porta plainte et l'incident n'eut d'autre suite que de faire adopter, en vue d'un prochain parachutage, le message suivant "Le mulet se promène la nuit." 


Le 9 février 1944 Claude Bonnier est arrêté sur dénonciation et conduit au siège de la Gestapo au Bouscat. Il est interrogé puis enfermé dans une cellule, menottes aux poignets derrière le dos. Là il a fait tomber sa pastille de cyanure cachée dans une couture de son pantalon et parviendra à lécher une partie du terrible poison. Dans le cachot où il a été jeté, il meurt sans avoir parlé.

Le 21 février René Chabasse, contre l'avis de ses amis, décida d’aller à Angoulême chez Berger au 88 boulevard d'Orfond (boulevard René Chabasse depuis 26 avril 1945). La maison surveillée par la Gestapo, servait de "boîte aux lettres" et de lieu de réunions clandestines. Il est arrêté, mais il réussit à s'échapper à deux reprises avant d’être rattrapé et abattu par un soldat allemand. 

Extrait du livre "Résistance dans le Sud-Ouest" par Jean Lapeyre-Mensignac 

« Il est emmené dans la caserne la plus proche. C'était un bel athlète. À l'entrée des immeubles militaires, il repousse à coups de poing les trois hommes qui le tenaient et il part en courant dans la rue. Malheureusement, il bifurque dans une impasse. Il est repris, il réussit miraculeusement à repartir une seconde fois. Alors qu'il arrive une rue suivante, des officiers allemands rentrant à la caserne, voyant la scène, tirent sur lui. Il s'écroule. Un des officiers s'approche pour saisir le blessé. Chabasse continue à se débattre et saisit à la gorge l'officier qui se penche sur lui. Devant le ridicule de la situation, de se voir ainsi tenir tête par un mourant, l'Allemand l'achève d'une balle en pleine tête. René Chabasse nous avait toujours dit : "Faites-moi confiance, je ne parlerai pas parce que de toute façon, je ne serai pas pris vivant !" Nous venions de perdre un autre membre de notre équipe de réception atterrissage qui était aux côtés de Lapeyre-Mensignac depuis l'été 1940. » 

Il n'avait pas 23 ans. Après la mort de René, Jacques Nancy ayant perdu toute liaison avec Londres, a pris le Maquis dans le nord de la Dordogne et crée la Section Spécial de Sabotage (S.S.S.). Il a regroupé d'abord autour de lui les équipes départementales du B.O.A de Chabasse : Guy Berger "Antoine", Edmond Duruisseau "le Batteur" (le frère d'Andrée Duruisseau), René Rispard "Blaireau" ainsi que Charles Franc. 


Chaque 21 février une cérémonie déroule à 17 heures avec le dépôt de gerbes à Angoulême à l'angle de la rue Périgueux et du boulevard René Chabasse sous la plaque qui porte son nom.

René Chabasse

Jeune héros de la Résistance abattu par les allemands le 21 février 1944

Ses camarades et amis

Brigade Rac


Opérations aériennes effectuées sous les ordres de René Chabasse :

Atterrisages :

Le 23 avril 1943 : « Le Vase est brisé » ;
Le 18 août 1943 : « Vive le bon vin de France » ;
Le 14 novembre 1943 : « L'Oiseau des mers prendra son vol ce soir » ;

Parachutages :

Le 4 janvier 1944 : Vallée du Bandiat entre Pranzac et Blanzac ;
Le 4 février 1944 aux Chaumes-de-Matignon près de Vouzan, Charente ;
Le 6 février 1944 à Birac (dirigé par René) et Touzac (dirigé par Charles Franc) ;
Le 11 février 1944 sur les chaumes du Luquet, près de Queroy.

Pierre Chabasse, a participé aux parachutages organisés par son frère René. Il est entré dans la Résistance le 1er Septembre 1943 et rejoint le Maquis en juillet 1944. Il a pris part aux nombreuses opérations de la S.S.S. engagée dans les combats pour la libération de la Charente y compris la libération d'Angoulême le 31 août 1944. Il est fait prisonnier le 8 février 1945 lors de l'investissement de la poche de Royan mais s'évade avec des camarades le 10 mars et rejoint son unité, la 2ème compagnie de la Brigade Rac du 50ième RI. Nommé sergent, il est tué à la tête de ses hommes devant le point d'appui de Brie (Charente Maritime) le 14 avril 1945. 

René et Pierre Chabasse reposent depuis le 11 novembre 1976, côte à côte, dans la crypte du Mémorial de la Résistance à Chasseneuil-sur-Bonnieure en Charente. 

Leurs noms sont également gravés sur le monument érigé à la mémoire des victimes de la S.S.S. près de Vouzan et également sur le monument aux morts de Vouzan.
 
Pierre et René Chabasse
Monument aux morts de Vouzan

René Chabasse

- Cité à l'ordre de la Nation
- Chevalier de la Légion d'honneur


- Croix de guerre 1939 - 1945
- Médaille de la Résistance


Pierre Chabasse (né en 1925)



- Croix de guerre 1939 - 1945
- Médaille de la Résistance



(Collection de la famille Duruisseau)


A lire également : 
René Chabasse : 1946 - Inauguration de la plaque commémorative à Angoulême (lien)
L'histoire d'Andrée Duruisseau (lien)
Angoulême : Plaque en mémoire de René Chabasse (lien)

Angoulême février 1944 : L'arrestation de la famille Berger (lien)




DVD et tapis de souris du film "Les Saboteurs de l'Ombre et de la Lumière" (lien)