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Charlotte Serre - résistante et auteur de nombreux poèmes

Rédigé par Alan dans la rubrique PortraitBrigade RacDocument et livre

Michèle Cézard, la fille de Rodolphe Cézard "Rac", nous a prêté avec gentillesse quelques livres par Charlotte Serre, resistante de la première heure et auteur de nombreux poèmes
Ces livres ont été donné à son père par l'auteur, chaque livre avec une belle dédicasse.

Charlotte Serre née Tourenne, le 27 août 1914, à Saint-Jory-de-Chalais écrit d'abord des recueils de poèmes "Elans d'amour", "Des fleurs" en 1975, "A chaque pas" en 1976, "Florilège de la Dronne et Périgord Vert" en 1978, puis publie des livres-témoignages, "Rescapée de la nuit", "De Fresnes à Ravensbrück" en 1982.

Elle publie encore "Les Jusants de lumière" en 1985, "Mouvance du soir" en 1991 et "Saint-Jory-de-Chalais, pays de mon enfance" en 1995.

Charles et Charlotte Serre 
cinq mois après leur retour de captivité

Elle épouse le 10 mai 1933 à Charles Serre, notaire à Champagnac-de-Belair et grand patron de la Résistance du secteur Dordogne-Nord. Charles Serre est en liaison avec l'O.R.A. dont Rodolphe Cézard. Avec Camille Bedin, Raymond Boucharel et Jean Worms, il participe à la création du mouvement Libération en Périgord. En 1943, il structure son mouvement en Dordogne Nord, ainsi, le 15 juillet, il préside chez lui, une réunion dont sort, en filigrane, l'organigramme de la future brigade Rac. Rodolphe Cézard, son adjoint, est nommé, à l'unanimité, chef militaire de Dordogne Nord.

Pendant les années 1941 - 1942 - 1943, Charlotte Serre n'a pas arrêté un seul instant de travailler aux côtés de son mari pour lancer d'abord et soutenir ensuite la Résistance en Dordogne-Nord. Partir de Chavirat à vélo dès l'aurore, ne s'arrêter que pour parler à la nature et respirer ses parfums, écouter bruire les sources et chanter les oiseaux, composer quelques quatrains, voilà ses occupations ; ceux qui la rencontrent ne se doutent pas de ce qu'elle fait ni de ce qu'il y a de dissimulé dans le cadre de sa bicyclette, mais ceux qui la connaissent savent qu'elle est un courageux soldat sans uniforme et qu'elle est engagée à fond dans la lutte contre l'occupant.

A Paris le 22 janvier 1944 Charlotte Serre est arrêtée par la Sipo-SD en même temps que son mari, elle est internée à la prison de Fresnes, puis Romainville avant d'être déportée à Ravensbrück. Elle retrouve Thiviers le 14 avril 1945 et elle retrouva son époux, qui avait été envoyé à Dachau, dix jours plus tard, considérablement affaibli.

Charlotte Serre (1914 - 2000)

Officier de la Légion d'Honneur
Croix de Guerre avec palmes
Médaille de la Résistance
Chevalier des Arts et des Lettres de France
Citoyenne d'honneur de la ville de Nontron
Coprésidente d'honneur de l'ANACR Dordogne











Les fleurs de mon jardin

O belles fleurs de mon jardin
Ouvrez-vous comme des ombrelles !...
Pour accueillir les hirondelles
Et le printemps né ce matin.

Vous qui brodez d'un beau dessin
Tous mes parterres en dentelles,
O belles fleurs de mon jardin
Ouvrez-vous comme des ombrelles !...

Car vous m'offrez dans un festin
Vos senteurs et vos couleurs telles,
Que vous charmez les coccinelles...
Et vous m'avez pris mon chagrin !

O belles fleurs de mon jardin.

                                             Charlotte Serre





Feuille d'automne

Feuille d'automne
Bijou vermeil
Qui tourbillonne
Dans le soleil,
Flambe l'automne
Pourpres et ors
Qui vermillonnent
Tel un trésor.

Feuille dansante
Dans le vent fou
Qui, frissonnante
Tombe à genoux
En la supplique
Des feux mourants,
Mélancoliques
Dans leurs tourments.

Sème l'automne
Sur les étangs
Combien s'étonne
Le cygne blanc
Qui, sous les aunes
S'en va glissant.
L'air monotone
Va s'imprégnant.

Dans les vallées
Au cœur saignant
Taches rouillées
Feuilles de sang,
Les feuilles mortes,
Les souvenirs
Vont en cohorte
Semblant s'unir.

Ces fleurs du rêve
Tombent en pleurs
Avec la sève
D'anciens bonheurs.
Les feuilles mortes,
Leurs parfums lourds
Ferment la porte
De nos amours...

                                  Charlotte Serre


La faim

La faim, toujours la faim effroyable et tenace
La faim qui vous torture et le jour et la nuit
Quand elle vous tenaille et que le sommeil fuit
Elle préside à vos matins et vous menace.

Car la faim, c'est la mort qui rôde en vos chemins,
Dans le travail forcé elle vous suit, hurlante,
Et la faim dans le froid reine de la mort lente
Crie et scande son rythme en des affres sans fin.

Le pain, manne sacrée, a des pouvoirs étranges
L'être s'avilira ou se sublimera,
Les Déportés par elle attendent le trépas,
Cannibale et maudite, horrible dans sa fange.

L'Histoire pourra dire en des lettres de sang:
Qu'ils moururent de faim pour nous garder vivants.

                                                                                Charlotte Serre




Le nuage de lumière

Mes doux flocons d'ouate roses
Et gracieux nuages blancs
Que vous m'avez conté de choses,
Pendant les appels dans les camps...

Ne voulant voir la terre noire,
Mes yeux se perdaient dans le ciel,
Pour ignorer le crématoire
Et le bourreau démentiel.

Souvant tu reçus ma requête !
Que de messages tu portas !
Quand chaque jour la mort vous guette
Et la terreur à chaque pas.

Tu fus mon ange de lumière
Que j'invoquais comme témoin
Pour arrêter ces cris de guerre,
Ces coups de fouet, ces coups de poing...

Avec une âme de poète
Je contemplais ton paradis,
Je ne pouvais lever la tête
Qu'à l'appel aux rangs des maudits...

Mais dans ce bagne où ma douleur
Hurlait dans sa désespérance,
Nuage, tu fus ma lueur,
Dans ton ciel je voyais la France...


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