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Rodolphe Cézard « Rac » - Chef de la brigade Rac [2ème partie]

Rédigé par Alan dans la rubrique Brigade Rac, Portrait                           

Le 6 juin 1944 , à la première émission à la radio du matin, de Gaulle lance un appel à la Nation : pour tous les fils de France, où qu'ils soient, quels qu'ils soient, le devoir simple et sacré est de combattre.

De leur côté, les M.U.R. de Périgueux ont fait imprimer les affiches qui vont être placées dans toutes les mairies ordannant la mobilisation générale.Les routes vont être pleine de gars qui chemineront avec une musette et - parfois - une arme : ce sont des volontaires qui rejoignent leur compagnie.

C'est à Saint-Martin-de-Frayssingeas, au lieu dit « Les trois-Cailloux », que Rac a fait installer son P.C. dans un bois. Il s'agit d'un car qui faisait le service Lanouaille - Thiviers et a été réquisitionné à l'entreprise Sauthier. Pierrot Couturier adjudant d'active, résistant de toujours, a revêtu son uniforme : c'est lui qui va être le chef du détachement, protecteur de Rac. En attendant, il a procédé à l'installation du car dans une clairière : cela n'a pas été chose facile car il a fallu couper à ras le sol une quantité d'arbres. Au petit matin du 6, toute le monde est donc là, en tenue militaire, chacun a son arme individuelle dont il ne se sépare plus. Des marabouts sont dressés : ce sont des toiles de parachutes retournées : c'est la qu'on doit coucher.
Le car est divisé en deux parties par une cloison légère, à l'avant le bureau du patron avec le téléphone qu'a installé Chaumette le matin même. Chargé à Nontron du services des lignes, il a pris le Maquis et va devenir le chef des transmissions du secteur nord avec le grade de capitaine. Sur la table-bureau de Rac sont étalées les cartes routières et de l'état-major. La partie arrière du car est le domaine du caporal Robichon, chef du secrétariat : il est chargé de tenir le journal de marché du régiment, tâche qu''il assumera jour par jour, jusqu'à l'armistice du 8 mai 1945. Rac a revêtu sa belle tenue neuve, celle qu'il a fait faire à Nîmes en 1942 avec des bottes fauves également neuves, il est impeccable quand il arrive deux jours après à Saint-Saud où ont été réunis par Tom les 52 gendarmes de l'arrondissement de Nontron qui ont décidé de prendre le Maquis et sont arrivés avec armes et bagages : il les impressionne.

Il n’a rien du « terroriste » que l'on pourrait imaginer, au contraire, par son maintien et les propos qu'il leur tient, il personnifie l'armée, c'est-à-dire l'ordre et l'autorité :
Militaires instruits et disciplinés, j'ai besoin de vous pour encadrer mes recrues, vous allez être répartis dans les compagnies de notre régiment en voie de formation : grâce à vous, il va devenir une unité modèle. 

Effectivement, le régiment Dordogne-Nord qui prendra la dénomination de Brigade Rac et deviendra en décembre 1944 le 50e R.I. est une formation F.F.I. hors pair. Les 52 gendarmes y sont d'ailleurs pour beaucoup.
Fin juillet Philippe Henriot, le traître de la radio de Stuttgart, annonce pompeusement que « Nontron », capitale du Maquis, va être prise et brûlée. En effet, une colonne blindée avec 400 combattants, tant allemands que miliciens, quitte Angoulême le 24 juillet à l'aube.

A une vingtaine de kilomètres, elle arrive devant un abattis d’arbres : là se trouve cachée une sentinelle du groupe Manu. Cette sentinelle, le nommé Dugas à une mitraillette, il fait feu et abat le capitaine de la Milice et les hommes qui l'entourent. Il tombe à son tour. Petit héros de 18 ans.
Le combat est engagé, les quelques hommes du groupe Manu se trouvant au barrage sont dispersés, six sont tués. Heureusement, la Compagnie de Jacques Nancy est au château de Puycharneau, à 19 kilomètres. Elle arrive et prend le combat à son compte au moment où la colonne ennemie s'apprête à progresser le long du Bandiat. Finalement, le soir, la compagnie de Jacques Brachet et Roland Canva est en place à son tour ; arrivent également six groupes de combat conduits par Fred de Châlus. Avec la nuit, le combat est stoppé, l'ennemi intimidé, rentre à Angoulême : Nontron est sauvée et demeure inviolée.
La prise de Périgueux 

Le 15 août, le 3e Bataillon prend position à Agonac. La 9e Compagnie est engagée à Puy-de-Fouche sur la nationale Périgueux-Thiviers. Finalement, les Allemands décrochent et abandonnent leurs positions, libérant ainsi la grand-route. Le Corps Franc descend sur le Toulon, un faubourg de Périgueux. Là, il a un engagement sévère avec une compagnie ennemie. Encerclé il arrive le soir à se dégager en ramenant ses morts et ses blessés à Agonac.
Finalement, le 3e Bataillon et une partie du 2e qui est arrivé en renfort entrent dans la ville le 18 au soir : la poste, la mairie, la préfecture sont occupées. Les Allemands se sont regroupés vers la gare des marchandises et s'apprêtent à s'engager sur la route de Bordeaux. Le samedi 19, la libération de Périgueux est effective et Rac s'installe à l'Hôtel du Domino, où il prend contact avec Martial, chef départemental, et le capitaine Marc. Il fait placarder l'affiche suivante 


Appel à la population
Les troupes de l'A.S. du secteur nord de la Dordogne viennent de libérer votre ville ; votre enthousiasme, votre ferveur patriotique, l'accueil vibrant que vous leur avez fait, constituent la meilleures récompense pour chacun de nos combattants.

Mais que votre exaltation, compréhensible, ne vous fasse pas oublier que le calme et l'ordre sont à présent plus nécessaires que jamais. Méfiez-vous des rumeurs, des faux bruits, des commentaires - généralement peu fondés - colportés par des personnes qui ne peuvent avoir sur la situation actuelle aucune information sérieuse.

La guerre n'est pas finie, si la ville est définitivement libérée, le retour offensif des Allemands demeure de briser toute action ennemie. Les hommes de l'A.S. ont déjà démontré qu''ils connaissent leur devoir. Le devoir de la population civile est tout aussi clair : que chaque citoyen reste maître de ses nerfs, qu'il soit discipliné et discret.
Nos hommes, qui se battent depuis des mois, restent vigilants à leur poste de combat à l'extérieur de la ville. Nos troupes ne sont pas des troupes de parade. Les manifestations d'un caractère politique ne sont pas notre fait ; le moment en semble particulièrement mal choisi. Un certain nombre de suspects ont été appréhendés. Il s'agit là d'une mesure de précaution. Nos services de renseignements, encadrés par des inspecteurs de police et des juristes de métier, ne sont pas des tribunaux révolutionnaires.
Nous entendons assurer la sécurité de la ville dans l'ordre et la légalité. Que chacun d'entre vous nous seconde dans cette tâche en répondant par une attitude de dignité, de calme et de discipline à cet appel que nous lançons.
Tel est, aujourd'hui, le devoir patriotique des citoyens de Périgueux.

Le Commandant du secteur nord de la Dordogne A.S.Signé : Rac 
Une telle affiche prouve que Rac a conservé la tête froide et ne se laisse pas entraîner par le courant anti-collabo de l'époque, véritable torrent qui va provoquer tant d'abus. Le chef de Dordogne-Nord rentre le lundi 21 août à son P.C. des Trois-Cailloux où il doit faire le point. Pour l'instant, son 3e Bataillon descend vers Bordeaux en poursuivant l'ennemi, il va livrer le 22 août le combat mémorable du Pizou.
Dès le 23 août Rac a installé son P.C. au château de Charras, banlieue du sud-ouest de la ville, tandis que ses 1er et 2e bataillons s'établissent vers Dignac. Ce n'est que le 24 que Violette arrivera à Villageois-Lavelette, plus à l'ouest. 
Le 25 et 26, Dupuy et Vieugeot livrent à Torsac des combats acharnés qui forcent l'ennemi à se retirer vers Angoulême. De son côté, Violette attaque Le Roullet dont il s'empare le 29. Le 31, a lieu la bataille de La Couronne, meurtrière pour l'ennemi. Dans la nuit du 31 août au 1er septembre, des pourparlers sont engagés pour obtenir la libération des prisonniers que détiennent les Allemands : finalement, ils seront libérés.
Les patrouilles S.S.S. de Jacques Nancy sillonnent la ville. Les casernes sont prises. A minuit, la préfecture est occupée. Rac établit son P.C. à l'Hôtel de Bordeaux. Toute la journée du samedi 1er septembre est consacrée à regrouper les unités dispersées.Le dimanche, Rac assiste toute la journée aux réunions provoquées par Adeline à l'hôtel de ville : ce grand chef a à cœur de former une division organisée avec cohérence, composée de tous les éléments qui se trouvent réunis à Angoulême.

De son côté, Violette n’a pas attendu pour occuper Cognac et il livrera le mardi 4 l'extraordinaire combat de Saintes. Ce jour là, Rac est pris de court : il aurait fallu qu'il puisse disposer de ses 1er et 2e bataillons pour soutenir Violette. Ce n'est qu'avec quarante-huit heures de retard que ses formations arrivent dans la région de Saujon où vont avoir lieu les combats meurtriers qui auront pour effet d'amener les Allemands à se replier sur Royan où ils sont décidés à organiser un camp retranché. 

Rac et le colonel de Saint-Martin commandant l'artillerie
La frontière avec l'extérieur sera une coupure naturelle idéale : La Seudre, petit fleuve côtier bordé au nord par un ensemble de petites « taillées » et de parcs à huitres d'une épaisseur de quatre kilomètres environ, jusqu'à Marennes. Le long de la Seudre s'établit la brigade, elle va entamer le blocus qui durera tout l'hiver. Jusqu'au jour où aura lieu la grande attaque, le 14 avril 1945. Rac a établi son P.C. à Saint-Porchaire, il y fignole l'organisation de son artillerie dont les pièces sont en batterie et pour laquelle il a trouvé, en la personne du commandant Moreau de Saint-Martin, un chef incomparable. Cet officier d'active, polytechnicien, promu commandant en 1941 dans l'armée de l'Armistice, sera promu lieutenant-colonel le 25 mars 1945. Rac est un grand organisateur : il a déniché le sergent-chef Bourbon, ancien chef de fanfare au 26e R.I. à Périgueux dans l'armée de l'Armistice. Cet homme est capable de créer de toutes pièces une musique. A la fin de la campagne, elle comptait plus de cent exécutants. Elle fut la seule musique F.F.I. à défiler sur les Champs-Elysées à Paris lors de la fête de la Victoire le 14 juillet 1945. C'est à Saint-Porchaire que jour après jour, au cours de l'hiver, elle est organisée et entraînée. A Saint-Cyr-les-Côteaux, près de Nancras, fut installée l'école des cadres dont sont sortis un grand nombre de chefs de section qualifiés. 

Le 10 décembre 1944 a lieu un événement d'une particulière importance.Le gouvernement du générale de Gaulle a décidé de recréer en partant de formations F.F.I. existantes un certain nombre de régiments d'infanterie. Parmi eux est le 50e : le vieux Régiment périgourdin reconstitué avec les maquisards du nord de la Dordogne. Fini le rêve d'une brigade à deux régiments, l'un confié à Dupuy, l'autre à Violette.La Brigade Rac n'est plus qu''un glorieux souvenir. Il n'y aura désormais que le 50e R.I. dont Rac est le colonel. 

À la fin de mars, Rac est convoqué à Paris ou, au cours d'une prise d'armes, de Gaulle en personne distribue des drapeaux tout neufs. Le P.C. du régiment a été transféré à Nancras. C'est là que, le 5 avril, est organisée la cérémonie de la présentation des troupes à leur drapeau. Cela se passe dans une grande prairie, à quelques centaines de mètres du village, il fait un soleil magnifique. Sont présentés des délégations des trois bataillons et de la C.H.R. (Compagnie hors rang), les autres éléments tiennent les lignes. La musique - sensationnelle ce jour-là - pénètre dans le carré, Rac la suit, il tient un papier à la main, il le lit : 

5 avril 1945 : Nancras. Rac passe, suivi de Vieugeot
devant le Capitaine de La Tousche
Officiers, sous-officiers et soldats, je vous présente au drapeau de votre régiment. La voix du jeune chef (Rac à vingt-neuf ans) monte dans l'azur, nette, forte, claire. Il évoque en quelques mots le passé glorieux du « Régiment de Vendôme » devenu le Régiment de Périgueux. Rac lit les citations obtenues en 1914-1918, puis conclut :

Dissous en 1940, il doit sa reconstitution à l'élan des volontaires du Maquis qui, depuis plusieurs années, ont décidé de reprendre la lutte contre l'envahisseur. C'est à vous, qui n'avez cessé de combattre, que le général de Gaulle, après vous avoir accordé l'honneur de reconstituer le Régiment, vient de confier la garde de cet emblème. Dans quelques instants, vous défilerez devant lui et - le fixant - vous ferez le serment de le servir avec honneur et fidélité pour rester dignes de vos aînés.  

Et c'est le défilé devant l'emblème.

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