Cölsk (the book) - Colin Latter

 Published November 2O25.

Des petites histoires de Noël 1943

Rédigé par Alan et Tony


Chers lecteurs et lectrices

Nous vous souhaitons de passer d'excellentes fêtes familiales, un joyeux Noël et une bonne et heureuse année 2O25 ainsi qu'à celles et ceux qui vous sont chers.



Des petites histoires de Noël

Chez Lautrette : Réveillon de Noël 1943

« Tac, tac... » ... « Tac, tac... », c’était sa façon de passer inaperçu quand Georges Lautrette « Eric » traversait Thiviers après le couvre‑feu, chaussé de ses gros sabots, sans lesquels il risquait toujours le « faux‑pas ».

Faites très attention, disait‑il, les Feldgendarmes patrouillent dans le patelin ; il ne s’agit pas de se faire repérer.

Il allait et venait, ainsi, pour voir Pierre, Paul ou Jacques, avec lesquels il prétendait avoir convenu d’importants entretiens.

Personne ne sut jamais où il se dirigeait et ce qu’il allait y faire. Il avait une manière à lui de s’engager et de se tirer d’affaire que nous ne pouvions comprendre ; celle du « terroir » sans aucun doute.

Sa grande satisfaction était de rentrer avec un « cadeau ». Quand il avait réussi un « coup », son visage s’illuminait, il s’esclaffait ; encore une bonne blague faite à l’occupant. Dans son garage de la route de Limoges et dans sa réserve située de l’autre côté de la voie ferrée il commit les pires « infractions » au régime. II avait une superbe réplique : T’inquiète..., ce qui devait suffire à vous rassurer.

Rac (Rodolphe Cézard), sa femme (Raquette) et Tom (Jean Nicard) se souviennent fort bien de ce réveillon de Noël 1943 où Andrée Lautrette avait mis les petits plats dans les grands, pour la famille et quelques amis.
Belle photo de Georges et
son épouse Andrée, née Cruveilhier.

A l’apéritif, lait de Montbazillac (que Georges allait chercher par petits barricous au nez et à la barbe des Allemands), le maître de maison donna des signes évidents d’impatience; il se trémoussait sur son siège, regardait sa montre, se grattait la tête... puis il se leva, descendit l’escalier, tira le rideau du garage, et l’on entendit la Simca prendre la route.

Où va‑t‑il encore ? ‑ On verra bien ; et l’assistance fit semblant d’oublier son absence.

Une heure plus tard, alors que les convives venaient d’attaquer le foie gras maison, Georges se faufila en silence et reprit sa place à table. Mais qu’as‑tu fait ?... on dirait que tu as le hoquet ? ‑ Ce, ce... ce n’est rien, une course urgente.

Nous étions à la fois sceptiques et inquiets : Mais encore ? Rac lui demanda un tête‑à‑tête de quelques instants : Alors? d’où viens‑tu ? ‑ Je viens... je viens de faire sauter la scierie de Corgnac. ‑ Tout seul ? ‑ Bien sûr !

Il but une gorgée, le hoquet se passa et la fête prit dès lors l’allure d’une victoire.

Il était bon et généreux, prêt à accomplir toutes les missions qui pouvaient se présenter. Il s’acquittait de ces tâches avec humour. Je crois même que, dans les moments les plus difficiles, il trouvait le temps pour rire, car il voyait les choses simples, très simplement, un atout majeur, qu’il n’est aisé de s’approprier.

Il avait tout offert à Rac, son amitié, son temps, sa famille, son foyer, sa situation. Il n'avait pas hésité à mettre sa parenté largement a contribution (à doueyras, aux Farges).

Il représente pour Rac, l’ami, le vrai, et la Résistance dans sa signification la plus sincère.


Chez la famille Duruisseau : L'arrivée d'un Anglais 

(D'après le récit de René Rispard, de Guy Berger et le témoignage du capitaine Jacques et de la famille Duruisseau.)


Jeudi 23 décembre 1943


Au début de la deuxième quinzaine de décembre un télégramme annonce à Jean-Louis (René Chabasse) l'arrivée d'un Anglais en gare d'Angoulême. Pasteur (Guy Berger) est chargé de l'accueillir : « Je m'attends, écrit-il, à recevoir un jeune homme et c'est un petit vieux tout décharné, malade, usé, qui d
ébarque, conduit par une inconnue de Paris. Je suis quelque peu surpris et je l'emmène au Quéroy par le train. Comble de malheur il ne peut monter à bicyclette et je reste avec lui dans un bistrot en attendant le Batteur (Edmond Duruisseau), parti à la recherche d'une moto pour l'emmener. Nous buvons un viandox bien chaud ; des boches entrent. Mon client me regarde inquiet et je cligne de l'oeil pour le rassurer.

Le père Duruisseau, prévenu de l'arrivée d'un Anglais, l'attend avec fébrilité. Trompé sur son aspect et croyant avoir affaire à un compatriote, il lui offre un siège au coin de la cheminée et entame avec lui une conversation en français. Naturellement le père Duruisseau en fait tous les frais ; le monologue se poursuit un certain temps et l'interlocuteur prononce enfin quelques paroles... en anglais. Le père Duruisseau en reste bouche bée ; il est complètement abasourdi pendant quelques instants. Soudain il réalise qu'il a devant lui un hôte étranger et qu'il ne l'a pas reçu avec assez de chaleur et de politesses. Brusquement il se redresse et salue cérémonieusement ce « citoyen de la libre Angleterre » qui'il ne se représentait pas comme cela. Pourvu qu'il ne s'imagine pas que tous les habitants d'outre-Manche sont aussi mal fichus !


Le 31 mars 1944 - Forêt de Bois-Blanc (Charente)


Cet Anglais, Michael Patrick Mcpartland (surnommé Mitchell), officier de la marine marchande britannique avait été blessé et fait prisonnier. Il était parvenu à s'évader du Val-de-Grâce (hôpital militaire de
 Paris) avec la complicité de la soeur infirmière. Le pauvre diable était bien mal en point ; à 42 ans, il avait l'air d'un vieillard. Il avait eu la mâchoire brisée à coups de crosse et les doigts déformés par un s
éjour prolongé dans l'eau de l'Océan Atlantique, n'avaient plus s'ongles. Après l'escale à l' « hotel Duruisseau » il est acheminé sur le refuge de Matignon par Blaireau (René Rispard), promu hôte du visiteur.

Nous partons tard pour Matignon, avec un impressionnant matériel de cuisine. Il fait très froid et c'est en sueur que nous arrivons enfin au milieu des bois à notre domicile où une flambée egaieun peula pièce sombre meublée de deux lits. Dans le logement contigu habite un pauvre vieux dont la femme, complètement folle, suffit à rompre la monotonie du secteur. Parfois en pleine nuit, elle se met à taper sur ma porte avec un marteau et à chanter à tue-tête au grand effroi de Mitchell. »


« Le soir de Noël, Mitchell étant mal en point j'ai (écrit René Rispard) fait prévenir le Dr Bigois, Résistant expulsé de la Rochelle, demeurant à Sers. Il est venu en vélo au « Ranch » , c'est le nom que nous avons donné à notre refuge. Ce soir-là nous avons fait un bon réveillon, grâce aux talents culinaires du Batteur. Mitchell, dont l'indisposition était due surtout aux trop grandes libations de la journée, fit lui aussi honneur au menu pendant que la radio nous dispensait des flots de musique.


Soudain on entend un discours en Anglais. Mitchell se dresse au garde à vous.

« Qu'y a-t-il Mitchell ? »
Il nous fait signe de nous lever :
« Le King message Christmas, Britanniques troupes. »
Il ne se remet à table que lorsque le roi a terminé son discours.

L'histoire de Léo Roussarie - 1940/45

 Léo ROUSSARIE


Bureau et logement du chef de groupe de direction 11 du chantier de jeunesse n°5

194O/45 Mon Grand Père  

                             par Pascal FEYFANT

 Le 22 juin 194O est signé l’armistice avec l’Allemagne, traité qui limite l’armée Française en effectif et arrête la mobilisation des nouvelles classes. Après la dissolution de l'Armée française le 1er juillet 194O, le gouvernement du Maréchal PETAIN fit appeler le général de LA PORTE du THEIL, commandant le 7ème Corps d'Armée, il va créer (et commander à ses débuts) les CHANTIERS de JEUNESSE afin d’encadrer et instruire tous les jeunes des classes mobilisables de juin 194O à 1944.

 Là s’arrête la mise en place du décor. Léo ROUSSARIE est né en 1921 (classe 41), il n’a donc pas fait partie des jeunes mobilisés. Le 28 aout 1941 il est convoqué au Chantier de Jeunesse n°5 LYAUTEY (qui existera de 1941 à 1943) dont la devise est « Bâtir ». Ce groupement qui est sous les ordres du commissaire Pierre DE MONTJAMONT a ses 1O groupes (« 1/Péguy », « 2/Charcot », « 3/Bayard », « 4/Guynemer », « 5/De Bournazel », « 6/Verdun », « 7/Francis Garnier », « 8/Gouraud », « 9/Du Plessis », « 1O/Jean Bart ») basés autour de PONGIBAULT (petite ville où se trouve le groupe de direction n°11 « Sidi Brahim » la devise de ce groupe était "Toujours d'acier", ce groupe était à Rochefort-Montagne jusqu’à mars 1941) dans le Puy de Dôme en AUVERGNE.

 A son arrivée aux Chantiers on demande un volontaire pour faire de l’électricité, Léo se porte volontaire, il apprendra avec un collègue (ils sont deux électriciens pour le groupement). Il était rattaché aux "Services généraux" qui eux-mêmes faisaient partie du Groupe de Direction mais il est passé partout en fonctions des travaux à réaliser: mise en place de la lumière dans les nouveaux baraquements construits, raccordement électrique chez un boulanger proche d’un camp (ce qui lui permettra d’avoir du pain frais tous les jours temps qu’il restera dans ce camps), raccordement d’une salle de spectacle pour les fête de fin d’année en 1941 (chantier de plusieurs jours, son collègue ayant eu une permission on lui détachera un autre jeune, le chantier sera fini à temps et se
soldera par un spectacle et un bon repas), mise en place de poteaux et de câbles électriques. Cela va aussi lui permettre de visiter la région (de voire Mont d’Or, visiter le Puy de Dôme, d’aller à Clermont-Ferrand avec un chef de groupe, ....). La vie dans les groupes est spartiate, composée de travaux manuels et de sports au grand air, l’hiver 41/42 est rude avec beaucoup de neige (les nuits sont très froides, le poile en milieu de chambrée doit être veillé), mais il gardera de tous ces moments un bon souvenir. Le 11 juin 1942, au groupe de direction n°11 on lui remet son certificat de libération (ou certificat de moralité et de bonne conduite), il peut rendre son paquetage et prendre le train pour regagner la ferme familiale ou il reprend son activité d’aide agricole.


 



Pour les Chantier c’est terminé mais nous ne sommes qu’en 1942, la guerre est loin d’être terminée. Léo va profiter des connaissances qu’il a accise aux Chantiers pour tirer des lignes électriques chez
lui et chez ses voisins (à l’époque dans les fermes à la campagne, seule la cuisine bénéficie d’une ampoule électrique).

 Il aura aussi l’obligation de guider les Gendarmes aux domiciles des jeunes qui ne se sont pas présenté aux Chantiers, taches pour lesquels il s’exécutera mais après être passé la veille pour informer les familles de sa venue avec les Gendarmes.

 En tant que cultivateur il ne sera pas appelé pour le STO en Allemagne (Service du Travail Obligatoire) mais il participera à la résistance comme « Légal » pour l’AS (Armée Secrète), il sera chargé de réaliser une cache ou seront stockées quelques temps quelques mauvaises armes, il sera aussi à la réception d’un parachutage (parachutage détourné par un autre groupe), il mettra à disposition son moyen de transport (le vélo) et cachera avec sa famille des biens de familles en exode (biens qui seront récupérés après la libération). Les allemands passeront même à la maison mais les pourparlers avec son père Léon (qui a été prisonnier 4 ans en Allemagne en 14/18) feront retomber la pression et les Allemands passeront leur chemin.

 A l’été 44 la Dordogne est libérée (il était temps, les supplétifs nord africains de la police Allemande faisaient des dégâts) puis c’est petit à petit tout le reste de la France qui va l’être, la conscription reprend son cours. Léo est mobilisé à Périgueux, de là il va être envoyé à La Courtine (Creuse) ou il sera intégré à la 449 Compagnie de Garde des Prisonniers de Guerre. Il y assurera la garde des prisonniers Allemands (plus de 3 7OO soldats) mais aussi la surveillance du camp de dépôt des troupes Polonaises (l'armée Anders) en attente de rapatriement. Il restera dans cette compagnie du 2O aout 1945 au O2 janvier 1946 sous les ordres du Lieutenant COMBALIER (ancien résistant blessé au combat). Après cette période de 4 mois (la durée passée aux chantiers de Jeunesse ayant comptée comme service militaire, ordonnance du 20 octobre 1944) le soldat de 2ème classe Léo ROUSSARIE est maintenant considéré comme ayant satisfait à ses obligations légales d’activité, il peut donc rentrer chez lui en Dordogne. C’est la reconstruction du pays, il est maintenant temps de reprendre son métier de cultivateur, de fonder une famille, d’avoir une fille.