Rédigé par Alain dans la rubrique Brigade Rac, Portrait
Né en 1915 à Saint‑Mesmin,
Charles Sarlandie fut un écolier studieux avant d’être un étudiant précoce. A
vingt ans, il sort de l’école normale de Périgueux avec son certificat de P. M.
S. qui lui permet d’entrer directement à l’Ecole d’Artillerie de Poitiers.
Sous‑lieutenant de réserve, il est affecté au 105e R.A. à Bourges. Avant la fin de son service, il a le temps de suivre le stage d’observateur à la base aérienne d’Avord dont il sort breveté. Et le voici instituteur à Sarrazac, en 1938, au moment où les nuages annonciateurs du cataclysme s’épaississent sur le monde.
La drôle de guerre
égraine ses longs mois d’inaction, et à la débâcle, le groupe de Sarlandie se
replie de Nancy sur Troyes, puis Nevers, Limoges, Bergerac, et enfin Bordeaux.
Là, il est embarqué sur un cargo, « Le Fort de Vaux, qui, deux jours après le
« Massilia », cingle vers le Maroc. Au cours de la traversée, au
large des côtes du Portugal, la radio diffuse l’appel de De Gaulle. Après le discours
pleurard de Pétain, entendu quelques heures avant, la quasi unanimité de la
troupe et des cadres est pour De Gaulle : Il faut le suivre ! et tout de suite ! Oui mais, car il y a
un oui mais !
Le commandant du
bord est pour Pétain et refuse de changer de cap pour Londres : On doit aller à Casablanca, on ira à
Casablanca. Le débarquement a lieu, et la base aérienne repliée touche des
avions neufs « Glenn Martin » qui sont remis en état de vol. Sarlandie est
persuadé que la guerre va continuer contre l’Allemagne, l’atmosphère y est,
tout le monde est d’accord. Or, voici que
tonnent les canons anglais de Mers‑el‑Kebir, qui tuent 1 280 de nos marins.
L’opinion est
retournée comme un gant contre les Anglais. Va‑t‑on les attaquer ? Oui, puisque
Sarlandie reçoit l’ordre d’aller prendre des photographies aériennes de Gibraltar, et
que, quelques heures après, des bombardiers viennent arroser la forteresse
anglaise. Oui, puisque l’ordre vient également d’aller livrer les avions
disponibles à Bizerte où la Commission d’armistice en fait cadeau aux Italiens.
Cependant, nos équipes d’aviateurs ne sont pas tout à fait d’accord ; aussi
cassent‑ils presque tous du bois à l’atterrissage.
A Rabat, il y a
bien un embryon d’organisation gaulliste, en cette fin d’été 1940, mais tout
est flou. Aussi Sarlandie rejoint‑il sa famille à Sarrazac. En octobre, il
rencontre à Lanouaille « Le petit chef »
As‑tu entendu Pompéi à la radio ?
Pompéi, sous‑préfet
de Bellac, sergent pilote de réserve, venait effectuer avant la guerre des vols
d’entraînement à Limoges ; pendant la guerre, il a eu les honneurs du
communiqué, ayant réussi, avec son Potez 39, à descendre un Henschell ennemi,
beaucoup plus rapide que lui, et à regagner ensuite, en rase-mottes, le camp
français au‑dessus des lignes ennemies. Ségui ajoute : Nous devrions être
avec lui.
Sarlandie, qui a retrouvé la France dans une
grisaille de mauvais aloi, sent bien que Ségui a raison. Mais il y a peut-être
autre chose à faire que de partir à l’aventure ; il faut être patient, et, en
attendant de reprendre sa place au combat, il se donne tout entier à sa tâche
d’enseignant.
A quelque temps de
là, Ségui revient un jour à Sarrazac ; il lui apporte les appels du général
Cochet. Ensemble, ils essaient de toucher leurs anciens camarades de l’armée de
l’air, en particulier ceux de Limoges : ils retrouvent à Périgueux deux jeunes
officiers du G.A.O. (Groupe aérien d’observation) 512 recyclés dans des
services officiels, notamment à l’Aéro‑club de Bassillac et dans le groupement
interprofessionnel laitier. Contacts établis, beaucoup marchent, et Ségui, qui
mène de front le recrutement et la recherche du renseignement, peut alimenter
le réseau Jove dont il fait partie et auquel il communique les plans de défense
des aérodromes de la région (Voir dans « Bataillon Violette » ce que fut le
réseau Jove, p. 12).
Aquarelle d'Alice Boisseau (Mme Authiat) |
Ségui, qui dirige son garage de Sarlande, trouve une couverture pour aller fréquemment à Périgueux : il est instructeur en modèles réduits d’avions. Il parvient également à introduire Sarlandie dans le service, et les deux compères font la tournée des chefs de la Résistance, dont Charles Serre. C’est par ce dernier que Sarlandie obtient la livraison régulière du journal « Combat » dont Raymond Lasjaunias, « Tourtiéroux », Paul Chapeyroux et Valentin Roux sont les distributeurs attitrés. Quand il y a une descente de la milice ou de troupes allemandes, les quatre compères, qui sont en général avertis par le cafetier Lalizou, vont se cacher sur le haut de la batteuse de Valentin Roux, dissimulée dans un bois. Toute la commune de Sarrazac est bientôt dans la Résistance (A. S. ou F. T. P.).
M. Vigneron, le Directeur d’école,
secrétaire de mairie, ouvre la porte de son domicile, la nuit, après avoir reçu
des petits cailloux dans sa fenêtre, ce qui est le signe convenu ; il délivre
alors des cartes d’alimentation et des papiers d’identité sous des faux noms.
Les mois passent,
complètement brûlé et recherché tant par la police française que par la
Gestapo, Ségui est obligé de se cacher. C’est alors que René Tallet le remplace
et prend le nom de guerre de « Violette » (fin 1942) dont se servait Ségui.
Extrait du livre La brigade Rac
Le site de Saint-Mesmin (lien)