Hélène Nebout est décédée lundi à 97 ans. Figure de la Résistance en Charente et Charente maritime, elle fut confondatrice du maquis de Bir Hacheim avec Guy Pascaud et André Chabanne, l'un des plus important maquis des 2 Charentes.
Ce qui suit est un article publié dans le journal sud ouest en Mars 2012.
L'histoire d'Hélène Nebout, ce sont d'abord des noms. Le sien. Chef Luc, "en référence à mon deuxième prénom, Lucette." Et aussi Chef Blanqui et Chef You, alias André Chabanne et Guy Pascaud. Tous trois enseignants. Tous trois, chefs du maquis de Bir Hacheim, crée en 1943 en Charente.
Du haut de ses 95 ans, Hélène Nebout se rappelle de ces années là, par flash, par moment. L'un d'eux ne la quitte pas. " Je rendais visite à des amis en vélo, décrit-elle. Nous discutions dans le salon lorsque nous avons entendu le bruit des motos des allemands." Avidement recherchée par la milice et la gestapo, condamnée à mort, la jeune femme de 22 ans au début de la Seconde Guerre mondiale, se faufile dans un trou du plafond et se couche sur le toit.
"Cela a été interminable. Les allemands tournaient autour de la maison et des environs, raconte-t-elle. Mon ami avait caché mon vélo dans la grande pour le faire passer pour celui de sa femme." Hélène se souvient qu'elle avait les jambes nues et qu'elle n'avait pas eu le temps d'enfiler une cape. "Il faisait -10 C dehors, j'ai même eu une pleurésie après. Mais ce n'est pas très grave."
La vieille dame se tait, plonge "très très loin dans ses souvenirs" et confesse : "Il fallait être courageux, et même inconscient. Je savais que c'était dangereux, mais je devais le faire." Hélène Nebout vivait à Chasseneuil sur Bonnieure. La journée, elle donnait des cours dans une école pour filles. "Surtout de l'éducation physique", précise-t-elle. Constamment surveillée, la jeune femme de l'époque avait conclu un pacte avec le chef de gare, située non loin. "Si jamais les allemands arrivaient, il me prévenait à l'aide d'un sifflet. Heureusement, il n'a jamais eu à s'en servir."
Chef Luc ne veut pas trop parler de ses interventions. Sans doute encore un peu peur des répercussions. Elle tait certains noms. En nomme d'autres. "Le directeur de l'usine de Fontafie, près de Genouillac, M. Ardouin, nous a beaucoup aidés, détaille-t-elle. Il a camouflé plusieurs personnes recherchées par les allemands en les faisant travailler sous des faux noms."
Elle dirigeait ses gars
"Chef Luc" |
Peu à peu elle, en dit plus. "J'étais lieutenant dans les Forces françaises de l'intérieur et je commandais la 2e compagnie, déclare-t-elle. J'assistais à leurs entraînements dans les bois près de Cherves-châtelars." Elle-même maniait les armes et possédait un fusil mitrailleur.
Etre une femme n'a jamais constitué un handicap pour diriger "ses gars". "Ils me respectaient énormément, décrit Hélène Nebout. Quand j'arrivais, ils se mettaient toujours au garde à vous. On m'acceptait au même titre que tout officier." Aujourd'hui, quelques uns de "ses gars" lui rendent encore visite. "La semaine dernière, l'un d'eux, habitant d'Aytré, est venu me voir, lance-t-elle le sourire aux lèvres. Il n'arrêtait pas de m'appeler Chef Luc. Je lui ai demandé d'enlever le Chef. Il m'a répondu " tu seras toujours Chef Luc pour moi !".
De nuit, en chuchotant
Ses yeux s'embuent légèrement. Mais Hélène Nebout est restée la même femme qu'il y a 70 ans, forte. Il le fallait pour survivre à la guerre. Elle confesse qu'elle dormait peu, toujours dans l'expectative d'une nouvelle intervention. Chef Blanqui lui faisait toujours passer des messages "toujours à l'oral, jamais écrits" pour lui indiquer que des allemands ou la Gestapo allaient passer à tel endroit. "On tendait des embuscades, et c'était à celui qui tirerait le premier."
La violence et la peur sont l'univers de la Chef Luc. "J'ai vraiment eu de la chance." Les réunions sont secrètes, d'abord chez elle, mais elle était si surveillée, que le directeur du collège pour garçons de Chasseneuil propose au maquis Bir Hacheim de se retrouver dans son bureau. "De nuit; tout se faisait de nuit. sans bruit, ou juste en chuchotant." Même les déplacements à vélo se faisaient sur des routes "plus que secondaires". " Sans phare bien sûr, pour ne pas être repérés. Il y en a eu des chutes de vélo dans les bois !"
Rencontre avec De Gaulle
Après la guerre, Hélène Nebout passe les concours de l'Ecole des cadres de l'armée de l'air. Parce qu'elle rêvait de voler. Elle finit major de sa promotion : "Je travaillais jour et nuit, sous ma couette avec une lampe torche pour ne pas me faire voir par les surveillants dans les dortoirs." elle part à Mont de Marsan où elle vit pendant quatre ans. De ses attributions exactes nous ne saurons rien, sauf qu'elle était lieutenant et avait "toujours une grosse responsabilité". "Je garde un très bon souvenir de toute cette période, il y avait quelque chose de vibrant."
Héléne Nebout se souvient du général De Gaulle rencontré tout de suite après la libération d'Angoulême : "Il m'a félicitée". Pour son implication, Chef Luc a reçu la médaille de la Résistance, et faite officier de la Légion d'honneur. Mais pas seulement. Bien d'autres médailles ont récompensé la volonté et le courage de cette femme hors du commun. Elle les regarde briller dans le cadre sur son buffet de temps en temps, avec un peu de nostalgie.
Hélène Nebout en 2012 |
Un dernier hommage lui sera rendu le lundi 17 novembre à 14h00 au crématorium de Mireuil de La Rochelle. Mme Nebout sera ensuite inhumée dans la crypt du mémorial de Chasseneuil sur Bonniere (Charente) le mercredi 19 novembre à 16h00.