Un grand merci à la famille de François Lapeyre pour le texte qui suit et pour partager l'histoire de Jean-Guy Frichet « La Friche » et de François Lapeyre, résistant de Javerlhac et chauffeur de « La Friche ».
Jean-Guy Frichet
Chef d’état-major de la Brigade RAC
Chef d’état-major de la Brigade RAC
et son chauffeur François Lapeyre
Au début 1944, Charles Serre confie à Rodolphe Cézard (dit Rac) le commandement de l’Armée Secrète Dordogne-Nord et le soin de constituer une armée de volontaires. Ce dernier cherche à s’entourer de compétences et trouve en la personne de Jean-Guy Frichet un homme d’expérience en matière militaire et administrative.
Jean-Guy Frichet est né le 12 mai 1901 à Paris (7ème). Très tôt, il se passionne pour la radiotélégraphie et en fait rapidement son métier, d’abord dans la marine marchande, puis comme radio navigant dans l’aviation commerciale à l’époque pionnière de l’Aéropostale. Par la suite, il exerce sa spécialité dans l’armée, d’abord au Maroc puis en Tunisie où il dirige en 1939 les transmissions de la 88ème division d’infanterie d’Afrique.
Après la capitulation, il poursuit sa carrière d’officier qui le conduit à la tête du 16ème Groupe des transmissions de l’Armée d’armistice. Mais dans le même temps, à partir de 1941, il établit ses premiers contacts avec la Résistance, et fort de ses compétences techniques il œuvre dans le renseignement. Son épouse Madeleine l’accompagne dans cette mission qui leur vaudra d’être reconnus comme faisant partie des Forces Françaises Combattantes.
Le couple finit par s’installer à Périgueux, dans une région où Madeleine possède de la famille. Au début 1944, il entre en relation avec certains membres des réseaux locaux de la Résistance parmi lesquels Leydier et Rizza, et intègre l’organisation de l’AS Dordogne-Nord. Rodolphe Cézard (Rac), qui a besoin de cadres pour mettre sur pieds sa Brigade, fait de Jean-Guy Frichet son Chef d’état-major.
Un officier américain et Jean-Guy Frichet à une réunion entre des officiers américains et des chefs de la Brigade Rac à Thiviers en octobre 1944
Ce nouveau commandant, que tout le monde surnomme « le père La Friche », jouera un grand rôle dans la fusion des différents maquis et la constitution des unités de la Brigade. « En qualité de spécialiste, il donne un sérieux coup de main aux transmissions» (Rodolphe Cézard), équipement indispensable à l’efficacité des unités combattantes disséminées sur ce territoire de Dordogne étendu et forestier. Calme et discret, « La Friche » a aussi en charge les relations avec les éléments voisins de la Résistance, avec les autorités du Conseil National et les représentants des Forces Alliées.
Dans le cadre de ses missions, Jean-Guy frichet se déplace beaucoup et doit s’adjoindre les services d’un chauffeur qu’il souhaite robuste, discret, disponible et débrouillard, connaissant la mécanique et les routes de la région. Il choisit François Lapeyre, vingt-trois ans, enfant de Javerlhac, qui aide au travail de ses parents depuis l’âge de douze ans et qui s’est aguerri dans les camps de jeunesse, comme chef d’équipe au groupement n°5 de Pontgibaud (Puy-de-Dôme). François exerce la profession de cultivateur-carbonisateur et aussi celle de livreur chez son frère aîné Louis, marchand de bois et de charbon à Javerlhac. Ces activités, qui entrent dans le cadre des dispenses, le tiennent à l’écart du STO. Il possède ses permis, la capacité d’entretenir et le cas échéant de dépanner un véhicule et bien sûr la connaissance des routes et chemins des environs et des grands itinéraires jusqu’à Angoulême, Limoges et Périgueux. Dès 1943, il profite de ses livraisons pour ravitailler le groupe Manu en charbon pour gazogène qu’il fabrique parfois lui-même. C’est par ce biais qu’il entre officiellement dans la clandestinité le 14 avril 1944 comme « chauffeur combattant » et qu’il rejoindra, un peu plus tard, le commandant « La Friche » dans la région de Nontron.
Au début, « Toto », comme le surnomme Frichet, assure des missions variées de liaison, de ravitaillement et de transport. On lui confie en particulier la prise en charge, aller et retour depuis la gare d’Angoulême ou de Limoges, de personnages discrets se rendant à des réunions importantes du Maquis. Ces trajets longs et périlleux, empruntant des itinéraires toujours différents, se déroulent dans le mutisme presque total de ces voyageurs anonymes. « Toto » ne cherche pas à savoir de qui il s’agit. Il accomplit sa mission et n’en dit mot. Il en va de la sécurité de tous.
Carte de Résistance de François Lapeyre
Après le débarquement du 6 juin 1944, les événements se précipitent. Les volontaires affluent et Frichet, avec son état-major, peaufine la formation des bataillons qui ont vocation à devenir immédiatement des unités des Forces Françaises de l’Intérieur. Le 13 juin, on confie au capitaine Dupuy le soin de constituer le 1er d’entre eux et François Lapeyre qui en fait partie est officiellement incorporé aux FFI le 1er juillet.
Au sein de son unité, « Toto » (dit aussi « le Grand ») poursuit sa mission de « chauffeur combattant » et participe à des coups de mains contre l’occupant, en particulier dans le secteur de Château-Lévêque puis le 24 juillet à l’affaire de Javerlhac. Dans l’après-midi de cette journée, son groupe intervient en renfort et se retrouve face aux allemands qui tentent de contourner l’héroïque défense du groupe Manu et de la SSS (Section Spéciale de Sabotage). Le contact est bref mais la colonne ennemie n’insiste pas. Dans un rapport du 31 août 1945, le commandant Frichet saluera « la belle attitude » de François à cette occasion.
Le mouvement des troupes qui s’engage au milieu de l’été 1944, pour la reconquête des territoires vers le sud et l’ouest, met de plus en plus François à la disposition de « La Friche ». Et quand le 19 août, jour de la libération de Périgueux, Rac achève la constitution de sa brigade en créant les Compagnies de Services, « Toto » le chauffeur est rattaché à la CHR (Compagnie Hors Rang) de son bataillon.
Désormais, il sera entièrement dévoué à son chef d’état-major et il le conduira, dans des conditions souvent délicates, sur tous les théâtres d’opérations pour la libération d’Angoulême, de Cognac et de Saintes, et jusque sur le front de Royan.
François reçoit ses galons de caporal-chef le 10 octobre et s’engage pour la suite de la guerre le 24, toujours au service du commandant. Le 1er janvier 1945, celui-ci est nommé à l’état-major des transmissions des Forces Terrestres au Ministère de la Guerre à Paris et emmène avec lui son fidèle chauffeur, « Toto » accède au grade de sergent au début de l’automne suivant. Il est libéré de son engagement le 14 octobre 1945, mais les liens de respect et de confiance, qui se sont établis entre les deux hommes pendant ces temps agités, persisteront bien au-delà de cette date.
Carte de travail de François Lapeyre
Avec cette carte, François justifiait régulièrement de son activité de cultivateur.
Il put ainsi échapper au STO avant d'entrer dans la Résistance
Avec cette carte, François justifiait régulièrement de son activité de cultivateur.
Il put ainsi échapper au STO avant d'entrer dans la Résistance
Au verso de la Carte de Résistance de François Lapeyre
Thiviers en octobre 1944 :
Commandant André Gaucher "Martial" chef FFI Dordogne et derrière lui, avec la pipe, commandant Jean-Guy Frichet "La Friche" chef d'état-major de la brigade Rac.
Proposition pour le grade de Sergent concernant le Caporal-Chef François Lapeyre
Demande de la carte du Combattant Volontaire de la Résistance de François Lapeyre
Photo prise au début des années 1970 lors d'une réunion de famille Lapeyre où on voit :
à gauche François Lapeyre, au milieu Madeleine Frichet épouse de "la Friche", à droite Mauricette l'épouse de François.
à gauche François Lapeyre, au milieu Madeleine Frichet épouse de "la Friche", à droite Mauricette l'épouse de François.
A lire également :
Octobre 1944 : La brigade Rac rencontre des officiers américains à Thiviers (lien)
Thiviers : Photos des soldats américains et la brigade Rac - octobre 1944 (lien)