L'Armistice, le 8 mai 1945 d'après Guy Berger

Rédigé par Alan dans la rubrique LibérationSection Spéciale de Sabotage

Armistice

8 mai 1945

D'après Guy Berger de la Section Spéciale de Sabotage de Jacques Nancy / 50 R.I.

« L'an dernier,  lorsque, dans l'intimité de la tente camouflée dans les taillis, nous envisagions la fin de la guerre et cet armistice qui nous paraissait si lointain, nous nous risquions à imaginer ce jour, comme celui d'une joie inoubliable : finie l'oppression du temps de guerre,  finie l'angoisse affreuse du monde entier devant la menace d'armes terribles et inconnues, finie surtout la terreur de l'occupant. Nous avions comme une sorte de pudeur à évoquer ce terme tant souhaité,  en songeant à l'attente encore longue et semée de dangers ; chacun pensait en lui-même qu'il était très facile de passer de vie à trépas au cours de nos excursions nocturnes. Pour ma part, je voulais à tout prix vivre « ce jour-là ».

Les temps ont changé. Nous avons quitté nos chères habitudes de maquisards, la vie au grand air des bois ; nous avons été des soldats mal « nippés », mais soldats quand même ; nous avons connu les grandes joies de la Libération de notre région, de nos amis, de nos parents. Puis l'enthousiasme est venu s'effriter dans le piétinement d'un hiver rigoureux, où nous restions mal équipés, mal vêtus, mal nourris. Effritement pénible, douloureux rapide devant les champs de mines de Royan, en butte à la rafale du soldat aguerri d'en face, pendant que derrière nous s'agitait la faune inévitable, interlope et insatiable des gens qui profitaient honteusement de nos efforts, de notre travail, obscur mais combien pénible, pour nous salir sans scrupule et nous présenter comme des voyous. C'était l'époque où un rédacteur à la Préfecture d'Angoûleme prétendait que les F.F.I. faisaient du marché noir. Je crois lui avoir répondu écœuré de tant d'injustice :  


« Tête d'âne ! tu parles des F.F.I. comme si tu savais ce que c'est ! viens donc les voir, les pauvres types, battre leur semelle éculée dans la boue et froid ; regarde leur équipment misérable, leur capote si mince, leur « dégaine » de clochards ; dis-moi si, sous la visière bosselée du casque trop grand, tu découvres des visages de voyous et de profiteurs ! »

J'étais furieux après cet « imbécile heureux » (c'est le cas de le dire). Aussi, autant j'aurais été content de raconter à ces gens-là quelques-unes de nos aventures, pour le seul plaisir de me replonger dans cette ambience unique et essayer de leur faire partager nos sentiments, autant maintenant je renferme en moi tous ces magnifiques sourvenirs pour qu' « ils » ne me les salissent pas. Nous ne parlons de ce temps révolu qu'entre camarades. »


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