Dans la nuit du 6 février 1944, deux parachutages sont assurés, l'un dans la plaine de Birac, l'autre aux environs de Touzac.
L'équipe de réception :
L'équipe de réception :
Pour cette nuit là en Charente, René Chabasse doit diriger un parachutage « Arma » près de Birac, pendant que Charles Franc doit en assurer un autre près de Touzac avec leurs chefs d'équipes Berger, Duruisseau.
Birac - nom de code terrain RAF : « Pélican »
Birac - nom de code terrain RAF : « Pélican »
Touzac - nom de code terrain RAF : « Chouette »
Ci-dessous, un extrait tiré du journal de la Section Spéciale de Sabotage de Jacques Nancy.
Parachutage de Vibrac
Nuit du 6 au 7 février 1944
Les messages nous concernant viennent de passer. Nous aurions du travail cette nuit : il doit y avoir plusieurs parachutages.
Jean-Louis, qui dirigera les opérations, nous attend à Ronfleville (chez Le Pointu). « Je pense, écrit le Pasteur, qu'une recrue de plus pourrait nous être utile et je demande l'aide d'un camarade que je connais très bien, René Prolongeau. Il n'en revient pas, croit à une blague ; mais devant un paquet de cigarettes anglaises, récemment parachuté, il s'incline. D'accord : ce soir il viendra ; il va nous aider beaucoup car il est « solide comme un pont ». Il sera « Renaud ».
Rivière (cousin germain de René Chabasse) doit nous prendre rue de Paris à Angoulême, avec son camion, vers 21 heures.
Le Batteur est venu me rejoindre et avec Renaud nous partons cahincaha sur des vélos minables. Il est tard, serons-nous à l'heure au rendez-vous ? Ma mère me voit partir avec inquiétude.
- Bah ! ne t'en fais pas, c'est simple comme tout et sans danger !
- Oui mais...
- Ne te fais pas de soucis, te dis-je !...
A l'endroit convenu, atteint non sans peine, l'attente commence à devenir inquiétante ; les rares voitures qui passent nous donnent des espoirs toujours déçus. Il n'est pas loin de 1O h. 3O et rien encore. Pourvu que Rivière n'ait pas filé, nous croyant partis par un autre moyen...
René Chabasse 1921 - 1944 |
Chez le Pointu tout le monde est prêt. Le temps de prendre un cognac et nous repartons en trois équipes ; la notre et le camion sur Vibrac, les amis sur d'autres points. Onze heures ne vont pas tarder à sonner et, passablement en retard, nous roulons très vite sur les routes blanches. Le Pointu et Jean-Louis sont partis devant avec la 4O2 légère.
Voici un avion : il nous survole, tourne en rond au-dessus de nous, insiste, puis repart malgré les signaux que nous lui adressons. Ce n'est pas le nôtre, certainement !
L'attente devient monotone. Des avions passent loin de nous, à l'horizon, venant du nord ; Le Pointu essaie de les accrocher au passage avec la lampe blanche puis les lampes rouge. Parfois l'appareil vient sur nous, tourne un peu au-dessus des feux, pendant que le pointu envoie la lettre ; mais après un dernier virage sur l'aile, il disparaît vers le sud.
Quelle heure peut-il être ? Deux heures au moins. Nous "sucrons royalement les fraises" sous la gelée blanche qui descend petit à petit. Nous battons la semelle. Le Pointu circule avec une bouteille de cognac qui est le bienvenu.
L'attente continue, décevante, animée parfois d'une alerte, lorsque nous sommes survolés, puis tout retourne au silence coupé d'appels timides de perdreaux en quête d'un sillon hospitalier.
Le fait que nous ne disposons que d'un camion n'est pas pour nous rassurer. Devant le nombre d'avions qui passent nous pensons que les autres ont réceptionné leurs containers : ils doivent nous attendre. Le problème est épineux !...
- S'il n'y a rien dans une demi-heure nous partons les aider, décide Jean-Louis.
Les rares appareils qui passent maintenant sont appelés par nos lampes anémiées, sans espoir. Il est trois heures. En voici un qui vire après nous avoir dépassés et, surprise, nous voyons se déployer sous lui les fleurs claires des parachutes. Nous maudissons le pilote qui lâche tout, loin derrière nous, sur une hauteur. Dans un immense champ de choux les parachutes se posent lentement, sans bruit.
Alors c'est la galopade, le travail rapide et fébrile. Le camion refroidi, renâcle pour démarrer, pendant que nous rassemblons parachutes et containers près de la route. Deux parachutes se sont mal ouverts et les cellules se sont enfoncées dans une terre labourée. Les choux nous aspergent les jambes.
Six containers bien groupés sont vite rassemblés ; malheureusement il y en a dix d'annoncés.
Jean-Louis réussit à en trouver deux dans un rayon de deux cents mètres ; deux autres restent introuvables malgré les recherches. Le matériel récupéré est rapidement chargé sur le camion de Rivière et dirigé vers une ancienne carrière des environs d'Angerville où il sera dissimulé. Il faut faire vite, car le camion est attendu sur le deuxième terrain aux environs de Touzac.
Pendant ce temps l'autre équipe s'affaire sur le terrain de Touzac pour rassembler le matériel auprès de la route où le camion de Rivière doit venir le prendre. Tandis que celui-ci file vers la carrière, Jean-Louis, le Pointu et Pasteur vont rejoindre ceux de Touzac pour leur prêter main forte. Là aussi, il y a du travail.
En arrivant sur les lieux « nous trouvons seulement, écrit l'un d'eux, six containers rassemblés ».
Le parachutage s'est effectué dans d'assez mauvaises conditions. Le pilote a tout lâché dans des rangs de vigne et les containers se sont dispersés à côté. La terre, superficiellement gelée, reste grasse et rend le transport encore plus difficile.
L'équipe de réception s'affaire néanmoins, sauf les deux Américains (aviateurs Herbert Brill et William Weber) qui n'ont pas l'air très courageux. M. Balleau (propriétaire voisin) et Seguy qui ont dirigé l'opération sont littéralement affolés. L'arrivée du Pointu et de ses deux compagnons, gonflés à bloc, fait que tout le monde se remet au travail avec plus de courage. Il est impossible de porter tout le matériel sur le bord de la route ; il est donc entassé au bout de la vigne. Comme le camion ne peut s'aventurer jusque-là, M. Balleau se résigne à réveiller son domestique pour lui demander d'atteler les chevaux, afin de transporter le matériel sur le bord de la route où le camion doit le prendre.
Il est déjà quatre heures et le camion n'est pas revenu. Le Pointu part à sa recherche avec la 4O2 et revient nous annoncer qu'un commencement d'incendie l'a retenu en panne pendant près d'une heure. Heureusement que la troisième équipe n'a pas eu à réceptionner son parachutage.
Rivière est inquiet ; son camion ne marche pas et il faut être à Magnac-sur-Trouve avant le jour à cause de son patron qui ignore ce déplacement. Jean-Louis le laisse repartir et décide de camoufler jusqu'à la nuit prochaine le parachutage. Les 16 containers sont transportés dans un petit bois voisin, au milieu d'une énorme haie. Effort interminable ! Les 16O kilos des containers sont des tonnes... Le jour se lève insensiblement. Des fougères encore, des herbes sèches, un peu de verdure, quelques ronces complètent le camouflage. Et pour terminer nous essayons d'effacer les piétinements en redressant les herbes couchées avec une branche d'épine noire. Quel travail !...
Nous rentrons à Ronfleville. Les commentaires de la nuit vont leur train pendant que nous engloutissons goulûment un casse-croûte interminable. Le vin blanc est excellent mais ne suffit pas à nous tenir éveillés et dans la vaste maison chacun s'endort qui dans un coin, qui dans une chambre, qui dans un fauteuil, devant le feu ou dans la 4O2.
Pourvu que notre dépôt provisoire ne soit pas découvert !
Malheureusement, il le sera et les conséquences de cette découverte seront particulièrement dramatiques.
Voici un avion : il nous survole, tourne en rond au-dessus de nous, insiste, puis repart malgré les signaux que nous lui adressons. Ce n'est pas le nôtre, certainement !
L'attente devient monotone. Des avions passent loin de nous, à l'horizon, venant du nord ; Le Pointu essaie de les accrocher au passage avec la lampe blanche puis les lampes rouge. Parfois l'appareil vient sur nous, tourne un peu au-dessus des feux, pendant que le pointu envoie la lettre ; mais après un dernier virage sur l'aile, il disparaît vers le sud.
Quelle heure peut-il être ? Deux heures au moins. Nous "sucrons royalement les fraises" sous la gelée blanche qui descend petit à petit. Nous battons la semelle. Le Pointu circule avec une bouteille de cognac qui est le bienvenu.
L'attente continue, décevante, animée parfois d'une alerte, lorsque nous sommes survolés, puis tout retourne au silence coupé d'appels timides de perdreaux en quête d'un sillon hospitalier.
Le fait que nous ne disposons que d'un camion n'est pas pour nous rassurer. Devant le nombre d'avions qui passent nous pensons que les autres ont réceptionné leurs containers : ils doivent nous attendre. Le problème est épineux !...
- S'il n'y a rien dans une demi-heure nous partons les aider, décide Jean-Louis.
Les rares appareils qui passent maintenant sont appelés par nos lampes anémiées, sans espoir. Il est trois heures. En voici un qui vire après nous avoir dépassés et, surprise, nous voyons se déployer sous lui les fleurs claires des parachutes. Nous maudissons le pilote qui lâche tout, loin derrière nous, sur une hauteur. Dans un immense champ de choux les parachutes se posent lentement, sans bruit.
Alors c'est la galopade, le travail rapide et fébrile. Le camion refroidi, renâcle pour démarrer, pendant que nous rassemblons parachutes et containers près de la route. Deux parachutes se sont mal ouverts et les cellules se sont enfoncées dans une terre labourée. Les choux nous aspergent les jambes.
Six containers bien groupés sont vite rassemblés ; malheureusement il y en a dix d'annoncés.
Jean-Louis réussit à en trouver deux dans un rayon de deux cents mètres ; deux autres restent introuvables malgré les recherches. Le matériel récupéré est rapidement chargé sur le camion de Rivière et dirigé vers une ancienne carrière des environs d'Angerville où il sera dissimulé. Il faut faire vite, car le camion est attendu sur le deuxième terrain aux environs de Touzac.
Parachutage de Touzac
Pendant ce temps l'autre équipe s'affaire sur le terrain de Touzac pour rassembler le matériel auprès de la route où le camion de Rivière doit venir le prendre. Tandis que celui-ci file vers la carrière, Jean-Louis, le Pointu et Pasteur vont rejoindre ceux de Touzac pour leur prêter main forte. Là aussi, il y a du travail.
En arrivant sur les lieux « nous trouvons seulement, écrit l'un d'eux, six containers rassemblés ».
Le parachutage s'est effectué dans d'assez mauvaises conditions. Le pilote a tout lâché dans des rangs de vigne et les containers se sont dispersés à côté. La terre, superficiellement gelée, reste grasse et rend le transport encore plus difficile.
L'équipe de réception s'affaire néanmoins, sauf les deux Américains (aviateurs Herbert Brill et William Weber) qui n'ont pas l'air très courageux. M. Balleau (propriétaire voisin) et Seguy qui ont dirigé l'opération sont littéralement affolés. L'arrivée du Pointu et de ses deux compagnons, gonflés à bloc, fait que tout le monde se remet au travail avec plus de courage. Il est impossible de porter tout le matériel sur le bord de la route ; il est donc entassé au bout de la vigne. Comme le camion ne peut s'aventurer jusque-là, M. Balleau se résigne à réveiller son domestique pour lui demander d'atteler les chevaux, afin de transporter le matériel sur le bord de la route où le camion doit le prendre.
Il est déjà quatre heures et le camion n'est pas revenu. Le Pointu part à sa recherche avec la 4O2 et revient nous annoncer qu'un commencement d'incendie l'a retenu en panne pendant près d'une heure. Heureusement que la troisième équipe n'a pas eu à réceptionner son parachutage.
Rivière est inquiet ; son camion ne marche pas et il faut être à Magnac-sur-Trouve avant le jour à cause de son patron qui ignore ce déplacement. Jean-Louis le laisse repartir et décide de camoufler jusqu'à la nuit prochaine le parachutage. Les 16 containers sont transportés dans un petit bois voisin, au milieu d'une énorme haie. Effort interminable ! Les 16O kilos des containers sont des tonnes... Le jour se lève insensiblement. Des fougères encore, des herbes sèches, un peu de verdure, quelques ronces complètent le camouflage. Et pour terminer nous essayons d'effacer les piétinements en redressant les herbes couchées avec une branche d'épine noire. Quel travail !...
Nous rentrons à Ronfleville. Les commentaires de la nuit vont leur train pendant que nous engloutissons goulûment un casse-croûte interminable. Le vin blanc est excellent mais ne suffit pas à nous tenir éveillés et dans la vaste maison chacun s'endort qui dans un coin, qui dans une chambre, qui dans un fauteuil, devant le feu ou dans la 4O2.
Pourvu que notre dépôt provisoire ne soit pas découvert !
Malheureusement, il le sera et les conséquences de cette découverte seront particulièrement dramatiques.
La demeure familiale de Charles Franc « Le Pointu »
reconstruite en 195O