Bob Maloubier agent secret de Churchill

Rédigé par Alain dans la rubrique Document et livre

Captain Robert 'Bob' Maloubier, one of two surviving french SOE agents, has written his account of his exploits during the war and as an SOE agent from 1942-1944.

Bob (who is now 88 years old) story is incredible so this book is a must. It is only available in french at the moment and published by Tallander, Paris.

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In May 2011 an extract from the book was featured in L'express :

[Rouen, 20 décembre 1943. Bob Maloubier doit réceptionner un émetteur dernier cri parachuté dans la nuit par un Halifax. Mais Pierrot, le jeune chauffeur du camion Citroën P45 muni d'un laissez-passer, n'est pas au rendez-vous. Seule solution : emprunter l'Oiseau bleu, une pétrolette de 125 CC bleu turquoise réservée aux urgences.] 
Le pinceau blême du phare de l'Oiseau bleu badigeonné au bleu Défense passive tressaute sur les pavés défoncés de la route d'Elbeuf parcourue de rails de tramways gelés que je m'applique à éviter. [...] Le vent transperce les couches de journaux, de tricots, de chandails et la peau de mouton dont je suis cuirassé. Des larmes givrent au coin de mes yeux. En revanche, chaud au dos : le gratte-papier [NDLR : Maloubier a reçu l'ordre d'accompagner un jeune secrétaire de mairie à un parachutage nocturne] est collé à moi comme une arapède. Les ordres du "chef" faisant loi, je lui ai accordé priorité. [...] Soudain, un ronronnement dans mon dos. Je serre l'accotement pour lui faire place. Une grosse automobile me double, puis, subitement, se rabat et stoppe brutalement devant moi. Je manque m'écraser contre sa plaque d'immatriculation frappée d'un WH noir sur fond blanc, le "Double Vache" de la Wehrmacht ! A peine ai-je le temps de reprendre mes esprits, un Feldgendarme "kolossal" descend de la voiture.  
- Monzieur, me lance-t-il, un mauvais sourire aux lèvres. Feu rouche, nicht gut ! [...]  
- Et votre Kamerad, Weg ? Parti ? Pourquoi ?  
Je me retourne. Mon passager s'est volatilisé sans que je m'en rende compte ! Je demeure désemparé quelques secondes, puis, reprenant mes esprits, je réplique :  
- Pas camarade ! Inconnu rencontré sur la route. Moto-stop !  
Apparaît un second Allemand, filiforme, binoclard, coiffé d'un calot planté bien droit, qui me lance dans un français châtié :  
- Vous recueillez souvent en pleine nuit des inconnus qui ont tant à se reprocher qu'ils s'enfuient à notre vue ? Vous expliquerez cela à la Kommandantur. Montez ! [...]  
Machinalement, je m'écrie :  
- Et ma moto ?  
- Nous nous en chargeons, répond "Laurel" avec suffisance.  
Le poussah a déjà enfourché l'Oiseau bleu et s'acharne sur le kick sans parvenir à faire bidouiller le moteur. [...]  
- Allez l'aider, m'intime "Laurel". [...]  
En faisant mine de renouer un lacet, je débloque le robinet du bout du doigt, puis actionnant le kick à coups redoublés je fais délibérément bafouiller le moteur à plusieurs reprises... Lorsqu'il démarre enfin, je crie dans la pétarade :  
- Si je l'arrête, elle ne repartira plus ! Allez-y, je vous suis !  
Tout est clair dans ma tête : au premier carrefour, dérapage contrôlé, culbute, et je m'évanouis dans la nature ! [...]  
Hélas, la Mercedes ne s'ébranle pas devant moi, mais derrière ! Le pinceau de ses phares lèche mon équipage et des petites pressions de pistolet me rappellent à l'ordre lorsque j'accélère trop. A droite comme à gauche, des champs plats et tout nus, sans couvert. [...]  
Mon espérance de vie se limite à quelques secondes, car je suis bien décidé à tenter le tout pour le tout : m'envoler de ma selle tout en freinant brutalement... Et si l'auto ne m'écrase pas, si une balle ne me fait pas sauter la cervelle, si les Feldgendarmes lancés à ma poursuite me ratent... je survivrai.  
Que de "si" et combien je regrette d'avoir jeté dans le premier cabinet venu - par gloriole, parce qu'à vingt ans on se croit maître du monde - ma capsule de cyanure, "l'assurance contre la torture" dont on nous dote avant le grand saut dans l'inconnu ! Le major Morel, le chef des Opérations, me l'avait remise en mains propres en juin dernier dans l'élégant hôtel particulier d'Orchard Court, au coeur chic de Londres, siège de la Section française du Special Operations Executive (SOE), un service à part pratiquant sabotage, guérilla et exécutions en tous genres. [...]  
Tandis que la Mercedes amorce un virage pour se ranger devant l'immeuble, je poursuis droit sans ralentir.  
- Rechts ! grommelle mon amazone en piquant le canon de son arme dans mon cou.  
En faisant mine de m'escrimer sur le guidon, de ne pas maîtriser ma moto, je m'écrie :  
- Je ne peux pas tourner, je vais trop vite ! Bremsen, les freins, nicht gut.  
Mon cerbère semble y croire.  
Lorsque nous nous immobilisons enfin, la Mercedes a fait halte sous l'oriflamme à croix gammée... à trente bons mètres de nous ! [...]  
Je me ramasse, je rassemble mes forces, je bande mes muscles et j'arrache du sol jusqu'à hauteur d'épaule les cinquante kilos de l'Oiseau bleu, puis je les catapulte avec un hurlement sauvage dans les reins de l'Allemand. Il s'abat en poussant un couinement de porc égorgé. Je m'élance comme une flèche vers une rue qui débouche à l'angle de la place. [...] Je redouble de vitesse lorsque la fusillade à laquelle je m'attendais éclate. Soudain, un soldat casqué, l'arme au pied, se dresse devant moi !  
D'un bond, je l'évite, ainsi qu'une chaîne traîtreusement tendue entre des obus fichés dans le sol. Heureusement, ce n'est pas un ennemi, mais le poilu en pierre du monument aux morts dressé au beau milieu de la place ! J'en souris presque lorsqu'un fulgurant coup de fouet me cingle les reins, me casse en deux, me projette en avant. La balle m'a frappé au niveau de la ceinture et a sûrement transpercé le poumon, le foie et l'intestin. Je trébuche, je me rétablis je ne sais comment, je poursuis ma course. [...]  
A droite, une rue. Je m'y jette. Hélas, c'est un cul-de-sac. Au fond, un mur, tout noir ! C'est la fin... Alors que je m'attends à y être cloué par une rafale, un demi-cercle blafard s'ouvre devant moi : un tunnel ! [...] Je débouche sur un chemin de terre qui se perd dans la campagne. Au tintamarre succède un silence irréel. [...] Je suis à bout, asphyxié. La fièvre bat mes tempes ; douleur aiguë de la ceinture à l'épaule. Je m'arrête pour souffler. A cet instant, des aboiements rageurs me rappellent à la réalité. [...] Un kilomètre plus loin, mon sentier se jette dans la Seine. [...] Les cris des chiens s'amplifient ; des hommes les excitent. Plus question d'abri ! Mon odeur, il faut que je la noie. Je me laisse glisser dans l'eau glaciale, je tiens bon. Enfin, je touche à la rive opposée, m'agrippant à la terre boueuse, où je m'échoue. Devant mes yeux s'étend un pré, plat, couvert de givre. Je rampe jusqu'à son centre, je m'y incruste, contre toute raison. [...] Soudain des sirènes d'alerte hululent. Aussitôt, les projecteurs s'éteignent, et avec eux, les glapissements des haut-parleurs, le teuf-teuf des machines, les tamponnements... Et les grognements des chiens ! Tout se tait, sauf le grondement des quatre moteurs de mon Halifax qui vient de semer la panique ! J'ai pour son captain une pensée émue : il va rentrer bredouille, certes, mais il n'est pas venu pour rien ! [...] Voile noir. Adieu Ann... Adieu Maguy.