La mission Alexander (English version)
L’opération Jedburgh a été l’une des plus importantes montées par l’ O.S.S. (Office of Strategic Services) et entreprise en coopération étroite entre Anglais et Français libres. Son but était d’établir une liaison entre les mouvements de Résistance existant en France et les forces d’invasion alliées. Plus de quatre vingts Jedburgh furent ainsi parachutés sur le territoire français occupé. Ces équipes comprenaient un officier anglais ou américain avec un opérateur radio et un officier français.
C’est le B.C.R.A. gaulliste (Bureau Central de Renseignements et d’Action) qui, en liaison avec l’O.S.S., a dressé les plans d’action en soutien du débarquement.
C’est le B.C.R.A. gaulliste (Bureau Central de Renseignements et d’Action) qui, en liaison avec l’O.S.S., a dressé les plans d’action en soutien du débarquement.
Mi-août 1944 la Mission Alexander « tombait du ciel » quelque part dans le Limousin. L’équipé était constituée :
- Capitaine Stewart Alsop (U. S. Army) ;
- Capitaine René de la Tousche, dit « Richard Thouville » (F.F.L.) ;
- Sergent radio Norman Franklin (U. S. Army).
Après quelques pérégrinations, elle réussit à rejoindre le P.C. de la Brigade Rac. Le capitaine Tom fut chargé d’assurer sa sécurité, son hébergement tout en lui facilitant sa mission. Il l’installa au château de Razac (à proximité de Thiviers), propriété du capitaine de Vigneral (commandant d’une des batteries du groupe d’artillerie de la Brigade Rac).
Témoignage du capitaine de Vigneral :
Ils ont beaucoup de bagages; nous les installons au mieux sous le nez des Allemands qui occupent le château d’eau du Dognon, transformé en observatoire à quelque 3 km à vol d’oiseau.
Pendant trois semaines ils resteront à Razac. Pour accomplir les tâches que Londres leur demande, ils circulent sans arrêt dans le secteur. Les unités Rac leur apportent aide et assistance. Tous les jours le radio envoie des messages en Angleterre. L’appareil placé au plus haut de la tour est assez primitif. Il faut tourner une manivelle pour émettre et il fait très chaud sous le toit. Pas question de s’arrêter... « Don’t stop » dit le radio, sans égard pour l’opérateur qui sue à grosses gouttes.
La Mission Alexander suivit la Brigade Rac dans sa progression vers l’Atlantique. Tout en effectuant ponctuellement son travail de renseignement, dans lequel nous n’avions pas à nous immiscer, elle apporta une aide efficace aux unités amies. Elle obtint en particulier un important parachutage d’armes (vingt‑cinq avions) sur le terrain de Cognac.
Le Jed s’était alors renforcé d’une unité, Emmanuel de Balincourt, courtois et jovial, un peu « vieille France » et très attachant. Alsop écrit de lui :
Manouche s’octroya d’office le titre de secrétaire de la mission franco‑américaine et, on ne sait comment, entra miraculeusement en possession d’une Citroën qui fonctionnait avec n’importe quel liquide pourvu qu’il ait une forte teneur en alcool.
Manouche s’octroya d’office le titre de secrétaire de la mission franco‑américaine et, on ne sait comment, entra miraculeusement en possession d’une Citroën qui fonctionnait avec n’importe quel liquide pourvu qu’il ait une forte teneur en alcool.
Lorsque le Jed eut achevé sa mission en septembre 1944, le capitaine Thouville prit la direction du 3ième bureau de la Brigade Rac (opérations), Alsop et Franklin regagnaient l’Angleterre, et Balinc, la capitale.
Mais il est indispensable, ici, d’évoquer cette extraordinaire figure : Stewart Alsop, authentique héros et brillant commentateur politique.
Accrédité par le Gouvernement américain, il collabora avec son frère Joseph au « Washington Post », au « Saturday Evening Post », puis au « Newsweek ».
L’accès aux archives des services secrets américains lui permit d’écrire, en tandem avec Thomas Braden, universitaire et journaliste, « Sub Rosa » (1946) traduit de l’américain par Paule Ravenel sous le titre « O.S.S. l’Amérique et l’espionnage » (1964), Ed. Fayard, dans lequel un chapitre est réservé aux Jedbudgh et en particulier à la Brigade Rac.
Mais Alsop n’avait pas oublié la France, l’occupation, la Résistance, les maquis et ses amis.
Le 28 juillet 1964 dans le « Saturday Evening Post », « Affairs of state », il écrivait entre autres sous le titre « Remembering Rac »
La petite guerre froide entre notre pays et son plus ancien allié deviendra encore plus froide. En attendant, dans un souci de perspective, il me semble utile d’évoquer le souvenir de Rac .
... Rac était le chef d’un groupe de maquis opérant derrière les lignes allemandes en France. Vingt ans se sont écoulés depuis notre rencontre, et j’ai perdu tout contact avec lui. Pourtant l’espace de quelques mois durant l’été de 1944, Rac et moi fûmes amis... La devise de Rac était : surprise, mitraillage, évanouissement. En août 1944, après la percée en Normandie, tout le centre de la France constituait pour les Allemands un vaste piège, dont ils cherchaient frénétiquement à sortir .
... On ne s’ennuyait pas cet été‑là. En un sens, je ne me suis jamais autant amusé de ma vie... Il y avait cet esprit de camaraderie, nous étions des amis, de cette catégorie d’amis qu’un homme ne trouve qu’à l’école ou à la guerre. Il y avait aussi, derrière les lignes allemandes, ce sens étrange et inattendu de la liberté...
Dans un maquis non communiste, comme la Brigade Rac, la discipline était l’affaire d’une force liée à la personnalité humaine. Quelques groupes de résistants se désintégrèrent faute de posséder cette force. Ce ne fut pas le cas de la Brigade Rac .
... Peu après la visite de de Gaulle (un phénomène que nous devons accepter tel qu’il est, d’une manière ou d’une autre) à Saintes, je fus rappelé à Londres. Entre-temps, un pompeux général français de l’armée régulière avait fait son apparition dans le secteur, suivi d’un cortège de sous‑fifres, et Rac avait été placé sous son commandement. Lorsque je vins faire mes adieux, je trouvais Rac dans un bureau, entouré de piles de papiers et portant une vraie cravate. « Eh ! mon vieux ! dit‑il en désignant les paperasses, ce n’est plus une rigolade ! ».
... Mais il y eut tout de même du bon temps. Rac et les Français qui combattirent avec lui contre la tyrannie nazie étaient des hommes braves, des hommes de cœur, qui aimaient la liberté. Peut-être, tandis que nous, Anglo‑Saxons, supportons de Gaulle tant bien que mal, cela vaut la peine que nous nous en souvenions.
... Mais il y eut tout de même du bon temps. Rac et les Français qui combattirent avec lui contre la tyrannie nazie étaient des hommes braves, des hommes de cœur, qui aimaient la liberté. Peut-être, tandis que nous, Anglo‑Saxons, supportons de Gaulle tant bien que mal, cela vaut la peine que nous nous en souvenions.
Le 8 février 1972, il écrit à Rac :
Mon cher Rac... C’est pour moi un vrai plaisir d’avoir ton mot après toutes ces années. J’espère bien que tout va bien. Pour moi, j’étais très malade, il y a quelques mois, mais je suis maintenant presque entièrement guéri. J’espère te voir, toi et ta « bourgeoise » (je parle toujours le français du maquis), un de ces jours en France. Amitiés. Stewart.
La maladie ne lâcha pas prise, elle ne cessa d’évoluer, si bien que le célèbre journaliste annonça, avec un certain humour, à ses lecteurs, qu’il était atteint d’un cancer incurable. Le Newsweek du 31 juillet 1972 publiait en effet « All will be well » (Tout ira bien). Il y remarque, avec amertume et ironie, que sa maladie ne sera probablement pas baptisée Alsopidie mais « maladie de Glick », nom de son médecin spécialiste.
Ayant perdu le contact, Rac s’adressa au directeur du Newsweek.Le 6 février 1976, M. Mel Elfin lui apprenait que Stewart Alsop s’était éteint le 26 mai 1974.
« La vie du maquis, la vie de château... » il ne cessait de le « fredonner » à Rac, qu’il aimait comme un frère, et ce dernier le lui rendait bien.
Rac a écrit :
Alsop restera pour tous ceux qui l’ont connu un symbole de courage, de foi en l’avenir. Son humour ne s’est jamais démenti. II nous a aidé à surmonter les heures les plus difficiles. A la tête de la Mission Alexander il a été pour nous la certitude d’une victoire prochaine.