Retour des camps de concentration d'Andrée Duruisseau le 1er juin 1945

Rédigé par Alan dans la rubrique LibérationSection Spéciale de Sabotage


Andrée Duruisseau, née le 14 août 1925, avait 14 ans au début de la Seconde Guerre mondiale en 1939.
Membre d'une famille de résistants de la première heure les Duruisseau, la famille habite une maison isolée dit "les Forêts" dans la commune de Bouëx, à 3 kms de la ligne de démarcation.


Les Duruisseau fournissent des renseignements sur les déplacements des troupes allemandes, les patrouilles et les postes de gardes qui longe de la ligne de démarcation près de leur maison.
Andrée, agée de 15 ans, a transporté le courrier caché sous sa selle de vélo, sa famille a aidée des réfugiés à franchir la ligne de démarcation et ils ont cachés des gens, fabriqués les faux papiers et récupérés des armes parachutés, mais le 15 mars 1944 la Gestapo descend à la ferme et la vie d'Andrée bascule.

Andrée est arretée, torturéà la prison d'Angoulême et deportéà Ravensbruck puis Buckenwald. Elle a 17 ans.

Apres la libération des camps en avril 1945 c'est le chemin long pour rejoindre la France. Dans la nuit du 31 mai au 1 juin, il y a 70 ans, Andrée prend un train pour Angoulême.




Extrait du journal de la Section Spéciale de Sabotage (1947) :

Vendredi 1er juin 1945
"Depuis quelque temps déjà,  des nouvelles plus ou moins fantaisistes nous laissent espérer le retour de notre petit camarade Andrée Duruisseau, déporté à Ravensbruck (puis Buchenwald) depuis 14 mois. Une déportée du même camp aurait même donné de ses nouvelles ; le nom de Dédée figurerait sur une liste de rapatriés au Bureau des Déportés d'Angoulême. Mais toutes ces affirmations ne sont point confirmées et nous attendons anxieusement des nouvelles plus précises.  nous apprenons cet après-midi que Seraphin (Duruisseau) a reçu un télégramme lui annonçant le retour de sa soeur arrivée hier vendredi. Il est parti pour Bouex aussitôt. 

Antoine et Blaireau ne résistent pas au désir de revoir leur petite amie. Ils filent immédiatement aux Forêts.

"En moto nous franchissons les 90 kilomètres qui nous séparent de Bouex. Dédée est bien de retour, mais Seraphin vient de la kidnapper pour l'emmener à Saintes, et... quelle poisse !... nous nous sommes croisés. 

Le lendemain matin nous remettons le cap sur la Charente-Maritime et au garage S.S.S. de Saintes nous avons enfin le plaisir de voir notre petite amie très entourée.  Dès qu'elle nous aperçoit elle court dans notre direction et nous embrasse fraternellement. Elle a perdu ses belles couleurs d'antan, mais non pas sa gaieté.  Les nombreuses cicatrices de ses jambes témoignent éloquemment du calvaire qu'elle a enduré. Sur la manche de sa veste est cousue une petite étiquettes tricolore portant un no, autrefois matricule d'infamie, aujourd'hui insigne de courage et de gloire.

Quelques instants plus tard, nous nous retrouvons tous à notre popote de Balanzac devant un pineau d'honneur, rappelant des souvenirs de notre vie clandestine. Quelle joie pour notre petite amie de se retrouver parmi nous ! "




Il y a 20 ans en rangeant le grenier familial, Andrée Duruisseau a retrouvé le journal (les pages étaient jaunis par le temps et rongés par les souris) qu'elle avait écrit à le retour des camps et en 2008 elle autorisé l'editions du CDDP à publier son témoignage.

Elle raconte son histoire de sa vie clandestine, son arrestation le 15 mars 1944 et puis sa déportation quelques mois plus tard à peine âgée de 18 ans. Elle raconte ses expériences et ses compagnes dans les camps de concentration. "Sans cette solidarité qui nous insuffle, malgré tout, de la force, aucune n'aurait pu survivre et revenir" elle confirm.
Avec l'aimable autorisation de l'éditeur CDDP et de l'auteure Andrée Gros-Duruisseau trouvez ci-dessous un extrait du livre :


Nous sommes le 2 juin 1945. Mon frère arrive avec la traction de Jacques (Jacques Nancy). Mes parents lui avaient envoyé un télégramme car il était militaire à Saintes avec tout le groupe. Il est très ému et tient d'abord à m'emmener chez la coiffeuse pour une "permanente". Puis, c'est l'arrivée de mon beau-frère. 

Edmond m'emmène à Saintes pour retrouver les autres qui m'attendent avec impatience. Je serais tellement heureuse de revoir Blaireau, Le Pointu qui avait été grièvement blessé peu de temps après mon depart... Mais voilà qu'ils ont eu la même idée et nous nous croisons sans le savoir ! Nous finirons tout de même par nous retrouver.

Ils sont impressionnés par mes cicatrices, l'oedème diffus (qui heureusement disparaîtra après des soins appropriés), mais ils affirment que j'ai toujours le même sourire !

Quelques jours après,  plus de 300 personnes se retrouvent aux Forêts.  Monsieur Moreau, un FFL (Forces Françaises Libres) arrive en premier et il install un pic-up, fait jouer La Marseillaise.

En tête,  il y a des drapeaux, portés par des camarades, des fleurs en quantité,  les enfants des écoles... Mes parents invitent tout le monde à boire et à manger des beignets sous un parachute rouge. 

Toute la commune est là. 

S'ils savaient tous ce que j'ai souffert... Personne ne soupçonne encore la réalité.  Comment le pourraient-ils ? Je reviens de l'enfer et la Charente est libérée depuis de longs mois déjà...

Il va falloir m'habituer à tant de bouleversements.




Aujourd'hui Andrée Duruisseau est la présidente de l'Association des Déportés, Internés et Familles et Disparus de la Charente et la Vice-Présidente de la Section Spéciale de Sabotage du Capitaine Jacques Nancy. Souvent, elle livre son témoignage aux élèves et assiste aux cérémonies et commémorations dans la région. 

Quelle inspiration !


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Une belle famille de la Résistance : Les Duruisseau (en anglais) (lien)
Une belle famille... les Duruisseau - Article de 1946 publié par Résistance des Charentes (lien)