Rédige par Alan dans la rubrique Lieu de mémoire
Tous nos remerciements à Julien Brulaud pour avoir eu la gentillesse de partager quelques photo des cérémonies de Douvesse, Saint Même les Carrières et Lartige avec nous. Photographe : Angélique Precigout.
Tous nos remerciements à Julien Brulaud pour avoir eu la gentillesse de partager quelques photo des cérémonies de Douvesse, Saint Même les Carrières et Lartige avec nous. Photographe : Angélique Precigout.
Un grand merci à Monsieur Franck Dugas pour avoir partager les témoignages ci-dessous. Franck Dugas est le cousin de Roger Dugas tué le 24 juillet 1944 pendant la bataille de Javerlhac.
LE MAQUIS D’ARMELLE
En 1967, adolescent j’habitais Bouteville et avait recueilli le témoignage de deux anciens du maquis d’Armelle. Je viens de retrouver ces notes.
Témoignage d’Achile Schultz
Le matin vers dix heures, Monsieur Giraudon a capturé deux soldats allemands en allant mener du pain clandestinement, il les a conduit au camp et les a laissés comme prisonniers.
Vers onze heures, un convoi venant d’Angoulême s’est arrêté à Saint Même. N’ayant pu trouver leurs deux soldats faits prisonniers, les SS sont revenus en arrière sur Douvesse.
Il était environ midi et la relève du barrage venait de s’effectuer. Le Sergent-Chef Charpentier tenait le fusil mitrailleur et une trentaine de maquisards était cachée le long de la route menant à Chadebois derrière une haie vive et à la lisière du bois. Mais il y en avait la moitié au moins qui n’avaient pas d’armes ou qui ne savaient pas s’en servir.
Il était quatorze heures quand la première voiture allemande se présentait à Douvesse.
Quand les Allemands arrivèrent dans le village, les maquisards qui se trouvaient chez monsieur Couillebeau, le maire de Bouteville, furent cachés sous du fumier. La voiture descendit plus en avant et se présenta face au barrage. Ceux qui étaient de
garde au barrage l’ont laissé approcher à environ 8O mètres d’eux et le F.M. lâcha une seule rafale qui fit culbuter la voiture dans un champ de maïs. Les officiers qui en étaient sortis vivants furent tués aussi tôt par une grenade que leur balança un de mes camarades.
Une deuxième voiture se présente à son tour mais, ayant vu l’autre culbuter, elle fit immédiatement demi-tour pour donner des ordres à la compagnie qui était restée dans le bourg de Douvesse à brutaliser les habitants.
Les SS installèrent un canon de 88mm et deux mitrailleuses lourdes de 5Omm et se mirent à tirer sur le barrage. Les fantassins descendaient vers nous en « balayant » avec leurs mitraillettes. Nous avons bien risposté un moment mais manquant de munitions, nous avons été obligés de nous replier sur le Maine des Champs, laissant sur le terrain Nivet et Pauillac qui avaient été blessés aux jambes et ne pouvaient suivre. Ils ont été pris par las Allemands qui les attachèrent par les pieds et les traînèrent derrière un camion jusqu'à Jarnac.
En passant à Saint Même, tous les civils qui se trouvaient dans la rue furent tués en signe de répression. Avant de partir, les Allemands ont ramassé leurs morts (une trentaine environ) dans un tombereau de Monsieur Couillebeau.
Pendant le combat, certains officiers Français ayant vu que « ça chauffait un peu trop » s’en allèrent en laissant 35OO Francs dans le camp.
Après le combat nous nous sommes retrouvés dans les bois de Bouteville, dans la maison de Monsieur Paillou à la Font qui bouille.
Dans la nuit, un maquisard, Alfonse Rolland est retourné au camp pour récupérer des vivres, un poste émetteur et l’argent laissé sur une table.
Les deux Allemand étaient toujours nos prisonniers. C’étaient deux jeunes officiers de 17 à 18 ans. Ils ont été gardé trois jours, nus avec une seule couverture pour se protéger du froid.
Le 31 août à 1OhOO du matin, il fut décidé de les fusiller. Avant de le faire ont leur demanda s’ils voulaient la vie sauve, mais ils répondirent par deux fois en criant « Heil Hitler ». Sur ce nous leur avons fait creuser une tombe et les avons placés devant. Pendant que le claquement sec de la mitraillette se faisait entendre, leur « Heil Hitler » résonna pour la dernière fois.
Le 31 août à 1OhOO du matin, il fut décidé de les fusiller. Avant de le faire ont leur demanda s’ils voulaient la vie sauve, mais ils répondirent par deux fois en criant « Heil Hitler ». Sur ce nous leur avons fait creuser une tombe et les avons placés devant. Pendant que le claquement sec de la mitraillette se faisait entendre, leur « Heil Hitler » résonna pour la dernière fois.
Deux ou trois jours après nous avons repris Segonzac et Jarnac et nous avons vu nos deux camarades au château de Lartige dans un piteux état (yeux crevés, ongles arrachés, langue coupée) et nous les avons enterrés.
Après nous sommes partis sur Royan et La Rochelle jusqu’à la fin de la guerre.
NDLR : Après avoir recueilli son témoignage, monsieur Achile Schultz m’avait conduit dans les bois entre Bouteville et Saint Preuil à l’endroit où avaient été tués les deux Allemands. Et nous y avions alors planté une croix faite de deux branches cassées.
Monument élevé le 29 août 1946 au carrefour du chemin Boisne et de la route de Bouteville
Témoignage de William Cailleau
Je m’appelle William Cailleau. Je suis né le 1er juillet 1927 et j’habite à Saint Même Les Carrières. J’avais 12 ans et j’étais domestique dans une ferme quand la guerre 1939-1945 se déclara.
En 1941, les Allemands arrivèrent en Charente et furent l’objet de ma curiosité. Mais je compris vite quel genre d’hommes ils étaient. En 1944, j’avais alors 17 ans quand plusieurs de mes camarades furent envoyés en Allemagne. Je ne pouvais plus supporter le joug allemand et, le 4 juin 1944, je suis parti, un sac sur le dos, en direction de Bouteville bien décidé à entre dans le maquis.
Le secrétaire de la mairie de Bouteville, monsieur Tierce m’affecta sur Armelle. Le camp d’Armelle était situé sur une colline boisée à proximité du village de Douvesse. Là-bas j’ai retrouvé plusieurs copains de Saint Même. Le commandant du roupe, Monsieur Valentin m’a fait subir une instruction d’armes (fusil mitrailleur, mitraillette). Quelques semaines après j’étais devenu bon tireur et souvent la nuit je pris la garde.
Le 29 août 1944, mes camarades et moi nous sommes partis à midi pour surveiller un barrage établi au croisement près de Douvesse dans le but de bloque les convois Allemands.
Nous avons placé un mitrailleur et un grenadier à un point stratégique et nous avons attendu comme à l’habitude.
A 14 heures madame Raynaud de Bouteville vint nous prévenir qu’un convoi allemand venant de Châteauneuf descendait vers Douvesse.
Tout le monde se retrancha et attendit. Les Allemands, environs 2OO hommes, cherchaient des terroristes. Ils s’adressèrent au maire monsieur Couillebeau qui refusa de parler. Ils mirent alors les habitants du village de Douvesse, environ 15 personnes, en joue le long d’un mur.
Pendant ce temps la voiture des officiers descendit un peu plus bas pour examiner les lieux. Le mitrailleur vit alors la Mat-Ford de ces officiers et lâcha alors une rafale (qui ??) fit perdre le contrôle de la voiture au conducteur. Il vit en sortir les occupants presque indemnes. Le jeune qui était à côté du mitrailleur s’avança et balança une grenade. L’explosion de cette dernière alerta les Allemands qui persécutaient les habitants de Douvesse.
Privés de leurs chefs, ils firent mouvement pour nous encercler de façon à ce que nous ne passions pas au travers du filet.
Un fusil mitrailleur tirant des balles explosives nous contraignit à nous camoufler. Les SS descendaient vers nous à tombeau ouvert ?
Un courage d’adolescent m’envahit et je me mis à leur tirer dessus. J’épuisais ainsi un chargeur sans résultat car je constatais qu’une trop grande distance me séparait d’eux. Je rechargeais mon arme et, tout à coup, sans savoir pourquoi je bondis hors de ma cachette et fonçais droit sur les Allemands. J’en tuais plusieurs et continuais à courir vers eux avant de m’apercevoir que mes chargeurs étaient vides. Réalisant alors le danger, la peur me prit. Je ressentis une brûlure au poignet gauche provoquée par le canon de ma mitraillette. Complètement désorienté je m’enfuis à toutes jambes à travers champs. J’avais peut-être parcouru trois cents mètre quand je ressentis une vive douleur à l’épaule droite. Je culbutais violemment sur le sol.
Reprenant mon sang-froid je me relevais en tenant mon bras et me mis à courir en zigzagant pour éviter les balles qui sifflaient autour de moi. Un de mes camarades qui m’avait vu m’enfuir me rejoignit et m’aida à marcher. C’était un bordelais que l’on surnommait « millehomme ».
Nous ne nous sommes arrêtés que deux kilomètres plus loin dans un hameau qui s’appelle les Métairies. Nous sommes allés chez un capitaine de réserve, monsieur Courtin qui refusa de me soigner. Nous avons alors continué vers la Bataille, un autre hameau où l’on me donna les premiers soins. De là nous sommes allés à Segonzac chez le docteur Bonneau qui me soigna.
Le 3O août, je fus emmené par ambulance à l’hôpital de Cognac où je suis resté une quinzaine de jours. Deux mois après j’étais complètement guéri et je pus regagner le groupe qui m’accueillit avec joie. Quatre mois après je reçus la Croix de Guerre 39-45 avec étoile de bronze.
J’ai continué la guerre avec les maquisards et, sur un coup de tête en mars 1945, j’ai signé un engagement dans la Légion Etrangère.
Plan que Mr Dugas avait fait à l'époque quand il avait interviewé Mr Cailleau
Nous tenons à remercier le propriétaire de la ferme à Armelle pour sa gentillesse et de nous avoir permis de prendre en 2O14 une photo de la plaque sur le mur de sa ferme en l'honneur du groupe de maquisards Valentin.