L'abbé RICHEUX, curé de Torsac
Le curé de Torsac, l'abbé Richeux, avait, à la Libération, un certain contentieux à régler avec ses supérieurs et peut-être avec ses ouailles, mais, certes, ni avec le Bon Dieu, ni avec les hommes de bonne volonté, ni avec sa conscience. Il s'était délibérément mis du côté de la Liberté et ne manquait pas la moindre occasion de tracer le chemin du devoir, notamment au cours de ses sermons dominicaux.
Les sages seront récompensés (peut-être), les mauvais punis (sûrement). Son coup était préparé de longue date. Il connaissait, d'ailleurs, bon nombre de nos responsables dans la région.
Il avait récupéré des armes pour le grand jour, et les avait cachées dans le confessionnal, recouvertes qu'elles étaient d'un drap mortuaire.
Le clocher de Torsac d'où l'abbé Richaux observait l'ennemi |
L'abbé Richeux eut, il faut bien l'écrire, quelques réactions « extra-ecclésiastiques » : il ferma les yeux sur la « tonte » (Quelques « collaboratrices horizontales » ayant provoqué le scandale furent effectivement tondues ça et là ; ce n'était pas méchant) et participa, en bon Samaritain, à la défense de Torsac, faisant le va-et-vient avec des seaux d'eau pour ravitailler nos gars en première ligne. Quand les « pelots » allemands faisaient voler en éclats les ardoises de son clocher, il criait, posant ses seaux : Ah ! les vaches ! on leur revaudra ça, ils ne perdent rien pour attendre !
Quand on captura la compagnie d'Italiens dans les casernes d'Angoulême, il fut de la fête, jouant admirablement le rôle de serre-file, bottant le derrière de ceux qui n'allaient pas assez vite à son gré : Allez, allez... vous savez courir !
A Sers, on fit l'inventaire des armes et nous n'aurions pas trouvé meilleur comptable !
Et puis, ce fut la prise d'Angoulême et ce spectacle pour le moins insolite : l'abbé Richeux, à califourchon sur le capot de l'un de nos camions, barrette en tête, saluant la foule, donnant libre cours à sa joie... Brave homme qui avait su communiquer sa foi et son enthousiasme ; et pourtant on allait le lui reprocher!
Il nous reste encore cette image ineffaçable : l'abbé Richeux venant bénir la stèle élevée à la mémoire de Lautrette et de Chabaneix sur la route de Bordeaux, sortant eau bénite et goupillon d'un sac à provisions en moleskine noire, celui de nos grands-mères, et puis une façon si simple de rendre hommage à nos deux héros qu'elle devait arracher des larmes à tous les assistants.
Stèle à la mémoire de Georges Lautrette et Jean Chabaneix tués Angoulême le 18 août 1944 |
Nous vous aimions bien, Monsieur l'Abbé, mais le Grand Chef supérieur, Monseigneur d'Angoulême, ne partageait pas cette affection... alors il vous a muté dans un bled bien loin d'Angoulême, où vous n'auriez plus qu'à mourir avec vos souvenirs...
Je m'en étais inquiété et j'avais demandé à l'évêque de se montrer indulgent. La réponse - fort polie, vous vous en doutez - disait ceci : « Occupez-vous donc de vos soldats, je m'occuperai de mes prêtres... ».
Prends ça en passant... un peu comme si on vous disait « Occupe-toi de ce qui te regarde ! ». Monseigneur, permettez-moi d'écrire, plus de trente ans après : dans l'au-delà, je préfère la place de l'abbé Richeux à la vôtre !...
Ecrit par Rac, de l'ouvrage La Brigade Rac
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